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"Il faut l'adresser aux hommes": le flyer du gouvernement contre le harcèlement de rue ne passe pas

Dès ce mardi, policiers et gendarmes vont distribuer 5 millions de flyers pour prévenir contre le harcèlement de rue dont sont victimes les femmes, et les "bons gestes" à adopter. Mais l'initiative ne passe pas auprès des premières concernées alors que 80% d'entre elles assurent avoir peur de rentrer seules la nuit.

Le ministère de l'Intérieur lance ce mardi et pour tout l'été une campagne de prévention pour la sécurité des femmes dans l'espace public. Au programme, 5 millions de flyers pour lutter contre le harcèlement de rue doivent être distribués par des policiers et des gendarmes pour rappeler les réflexes à avoir quand on est victime ou témoin d'une agression, incitant à porter plainte.

Une initiative qui laisse pantoises les premières intéressées. Des flyers c'est bien, mais des actes ce serait mieux pour de nombreuses femmes que RMC a pu croiser dans la rue à Paris lundi: "C'est dans le métro dans la rue, de jour de nuit, c'est tout le temps", déplore las Pauline alors qu'elle égrène les agressions vécues: "Vendredi, un mec m'a dit 'tu veux pas être ma pute pour 2 euros'. Dans le métro on sent des mains, il y a quelqu'un qui m'a suivie chez moi, c'est triste", ajoute-t-elle.

Le flyer du ministère de l'Intérieur contre le harcèlement de rue
Le flyer du ministère de l'Intérieur contre le harcèlement de rue © Ministère
Les recommandations du flyer du ministère de l'Intérieur contre le harcèlement de rue
Les recommandations du flyer du ministère de l'Intérieur contre le harcèlement de rue © Ministère de l'Intérieur

"Ce flyer, reporte la responsabilité sur la victime"

D'autant que se tourner vers la police, comme le préconise le gouvernement, cela semble inutile à la trentenaire: "Cela m'est arrivé avec une amie en rentrant du Nouvel an de me faire agresser. On a été porter plainte le lendemain et ils nous ont dits: 'il n'y a pas de coups, on ne peut rien faire'", déplore Pauline.

En cas d'agression, le flyer du gouvernement recommande aux victimes de faire du bruit et de chercher de l'aide auprès des personnes alentours avant de se mettre à l'abri et prévenir les forces de l'ordre puis de porter plainte: "Je me suis demandé si je devais en rire ou en pleurer", s'insurge ce mardi sur RMC et RMC Story Sandrine Bouchait, présidente de l'Union nationale des familles de féminicides.

"Ce flyer, reporte la responsabilité sur la victime. On va lui dire que si elle avait fait ceci ou cela, ce ne serait pas arrivé", ajoute-t-elle, estimant cependant qu'il est important de rappeler que "dénoncer ce n'est pas faire de la délation mais c'est porter assistance".

Huit femmes sur dix ont peur de rentrer chez elles le soir

En attendant, les femmes tentent d'éviter les mauvaises rencontres. Line, 21 ans, parle déjà d'habitudes: "J'essaie de ne jamais sortir seule. Dès que je sors, si j'ai des bretelles ou quelque chose qui peut être un peu "risqué" je ramène toujours une chemise, un voile. Si quelqu'un vient me parler je vais parler dans n'importe quelle langue, je vais improviser de l'espagnol".

À 61 ans, Paula "fait attention" mais ne trouve pas ça "normal". Et cette campagne du ministère de l'Intérieur, elle estime qu'elle ne va pas vers la bonne cible: "Il faut l'adresser surtout aux hommes. Ils détournent un peu le regard trop souvent et s'ils réagissaient plus on se sentirait plus en sécurité", appelle-t-elle.

Communiquer c'est un premier pas concèdent ces femmes, mais après les flyers, il faut des actions alors que selon le Haut-commissariat à l'Egalité (HCE), huit femmes sur dix ont peur de rentrer seules chez elles le soir.

Marion Gauthier avec Guillaume Dussourt