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Conflit Hamas-Israël : pourquoi le droit de la guerre permet, dans de rares cas, de s’en prendre à un hôpital

Un soldat israélien à l’hôpital Al-Shifa, à Gaza, ce 15 novembre.
Un soldat israélien à l’hôpital Al-Shifa, à Gaza, ce 15 novembre. IDF / REUTERS

DÉCRYPTAGE - Tsahal a ordonné samedi matin l’évacuation de l'hôpital Al-Shifa de Gaza, suspecté d’abriter un QG du Hamas. Le droit international humanitaire interdit d’attaquer les «unités sanitaires», mais il existe des exceptions où leur «protection spéciale» tombe.

Tsahal, l’armée israélienne, a ordonné samedi l’évacuation «sous une heure» de l’hôpital Al-Shifa de Gaza, suspecté d’abriter un centre de commandement du Hamas, après trois jours de fouilles intenses. Ce mouvement terroriste, à l’origine des massacres du 7 octobre, avait déjà utilisé, en 2014, ce complexe pour «détenir, interroger et torturer des suspects», selon Amnesty International . Cependant, les hôpitaux, et plus largement les centres de soins, sont protégés par le droit international humanitaire, qui régit le droit de la guerre. «Ils bénéficient même d’une protection spéciale, qui ajoute une deuxième couche s’il était nécessaire», souligne Julia Grignon, professeur de droit à l'Université Laval au Québec et chercheur à l'Irsem, le centre de recherche stratégique de l'École militaire.

L’article 12 du protocole additionnel aux Conventions de Genève stipule que les «unités sanitaires» doivent être «en tout temps être respectées et protégées et ne doivent pas être l'objet d'attaques». Cette protection requiert néanmoins trois prérequis : l’appartenance à l’une des parties du conflit, sa reconnaissance et son autorisation par l’une des parties, et la certitude qu’il soigne «sans aucune distinction défavorable fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance».

Une sommation est nécessaire

Cet hôpital est, en effet, identifié par les deux parties au conflit, Israël et le Hamas. Bâti lors de l’administration britannique comme une caserne dans les années 20, il a été agrandi sous l’occupation égyptienne, puis aménagé par Israël qui en a fait le plus grand complexe hospitalier de la bande de Gaza. Il a aussi été au centre du conflit entre le Fatah, parti dont est issu le chef de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas, et le Hamas. Ce dernier en prend le contrôle, comme de toute la bande de Gaza, en 2007. Plusieurs médias, dont le New York Times, constatent alors que ses couloirs sont emplis de combattants du mouvement terroriste.

Une situation qui perdurerait selon Israël : «Le Hamas utilise les hôpitaux à des fins terroristes. Cette exploitation malsaine du peuple de Gaza doit cesser», a affirmé ce mercredi l’armée israélienne. Si ce cas est avéré, l’hôpital peut alors être ciblé par Tsahal, en évitant, bien entendu, les pertes civiles. «Si une partie au conflit l’utilise comme un centre de commandement, c’est alors un ’acte nuisible à l’ennemi’ qui lui fait perdre sa protection spéciale», rappelle Julia Grignon. Le droit international humanitaire, par son article 13, le précise. Cette protection peut cesser «que si elles sont utilisées pour commettre, en dehors de leur destination humanitaire, des actes nuisibles à l'ennemi». Une «sommation» fixée avec «un délai raisonnable» doit aussi être donnée.

Ces actes nuisibles à l’ennemi que Julia Grignon définit comme «un acte ayant pour but ou effet de nuire à la partie adverse, qui facilite ou empêche les opérations militaires» ne comprennent pas : l’utilisation par le personnel de l’hôpital d’armes légères pour sa protection, la garde du personnel par «un piquet, des sentinelles ou une escorte», la présence «d’armes portatives et des munitions retirées aux blessées», et enfin la présence de «forces armées ou combattantes» venue se faire soigner.

Des soldats israéliens à l’hôpital Al-Shifa ce 15 novembre. IDF / REUTERS

En revanche, les 3000 civils qui y auraient trouvé refuge selon l’organisation mondiale de la santé (OMS) ne doivent pas être des victimes collatérales de cet assaut israélien. «Un bombardement, par exemple, peut causer des dommages excessifs», juge Julia Grignon. Ceci découle du principe de proportionnalité, l’un des piliers du droit international humanitaire, rappelle sur son site le comité international de la Croix-Rouge, qui précise : «L'avantage militaire susceptible d'être obtenu en attaquant des établissements médicaux ou des unités qui ont perdu leur statut de protection doit être soigneusement pesé par rapport aux conséquences humanitaires susceptibles de résulter des dommages ou de la destruction causés à ces installations». Si ce principe est respecté, alors une opération militaire qui consisterait à rechercher puis neutraliser les membres du Hamas présents dans le complexe hospitalier serait bien conforme au droit international humanitaire.

Conflit Hamas-Israël : pourquoi le droit de la guerre permet, dans de rares cas, de s’en prendre à un hôpital

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140 commentaires
  • Gradlon

    le

    Israël n'a été créé qu'à cause et grâce à la volonté des occidentaux. Leur affaiblissement face à la Chine, le monde arabe, ne va pas faciliter la tâche d'Israël à court et moyen terme.
    Et sa survie à long terme.

  • Squall Leonhart

    le

    Peuple martyr ? 1970 = 0.3M habitants. 2000 = 1.2M habitants. 2023 = 2.3M habitants. PS: la population n'a pas diminué une seule année, même celle ayant des guerres.

  • Joe2222

    le

    Soutien total aux Palestiniens, peuple martyr.

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