Publicité

Le procès de Jimmy Lai s'ouvre sous haute sécurité ce lundi à Hongkong

Des membres du public faisant la queue pour assister à la première audience, ce lundi.
Des membres du public faisant la queue pour assister à la première audience, ce lundi. PETER PARKS / AFP

Le jugement du plus tumultueux opposant à la Chine de Xi Jinping n’est pas attendu avant plusieurs mois.

Correspondant en Asie

L'«Union Jack» a flotté à nouveau un instant sur le macadam de Hongkong, en signe d'éphémère défiance à la Chine communiste, ce lundi matin. «Mamie Wong» a brandi le drapeau britannique en criant «Soutenez Jimmy Lai» devant le tribunal de «West Kowloon», juste avant l'ouverture du procès du Tycoon libertaire, champion de la cause démocratique de l'île, et menacé de prison à vie. Cette manifestante sexagénaire a été aussitôt escortée par la police, et risque également de retourner derrière les barreaux, où elle a déjà passé huit mois pour avoir défendu dans la rue les libertés réprimées par Pékin lors des manifestations géantes de 2019.

Le procès-fleuve du plus tumultueux opposant à la Chine de Xi Jinping a commencé sous haute sécurité, signalant la nervosité des autorités, à l'orée de ce rendez-vous, symbole de la mise au pas autoritaire de la plaque tournante financière par la main de fer du dirigeant chinois le plus autoritaire depuis Mao. À 10 heures pétantes (3 heures de Paris) Jimmy Lai est apparu dans le box des accusés, souriant, un livre à la main, selon les témoins présents dans la salle bondée. Le colosse de 76 ans apparaît amaigri dans sa chemise bleue et veste, après trois ans passés dans la prison de haute sécurité de Stanley, au sud de l'île, où il est cantonné à un confinement solitaire.

1000 policiers surveilleront nuit et jour ce quartier grouillant de la péninsule de Kowloon, pendant les trois mois d'audience attendus. Des contrôles de sécurité accrus ont été mis en place à l'entrée du tribunal, de crainte de débordements. Là même où les cocktails Molotov déchiraient le ciel, quatre ans plus tôt, non loin de Mongkok où vivait le milliardaire gouailleur.

«Ennemi public numéro un», pour la Chine

Ce catholique fervent fait enfin face à ses juges, après des années de guérilla judiciaire, et plusieurs reports, sous le coup de la «loi de sécurité nationale» (NSL) draconienne, imposée par le régime communiste en 2021. Il est accusé de «collusion avec des forces étrangères», entre autres atteintes à la sécurité nationale chinoise, et risque de terminer sa vie derrière les barreaux, dans un contexte plombé par les tensions géopolitiques avec l'Occident.

Jimmy Lai est « l'ennemi public numéro un » aux yeux de la Chine, juge Richard Tsoi, ancien parlementaire de l'opposition qui a lui aussi été condamné à la prison. Ce Cantonais, qui avait fui la misère Maoïste à 12 ans caché au fond d'une jonque, «est l'un des éléments anti-Chine les plus notoires, déterminé à déstabiliser Hongkong» a déclaré Mao Ning, la porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, le 13 décembre. L'un des «cerveaux des émeutes», Lai a «conspiré» ouvertement avec les «forces extérieures» pour «miner la sécurité nationale» de la Chine, a enfoncé la diplomate. En quête de soutien international, le fondateur de l’Apple Daily - fermé par les autorités en 2021 - avait rencontré le vice-président américain Mike Pence et affiché son soutien à Donald Trump, à l'heure de sa «guerre commerciale» contre Pékin.

Les États-Unis, et le Royaume Uni ont réaffirmé leur soutien au patron de presse, voyant dans ce procès celui des «libertés» piétinées de Hongkong, depuis les manifestations de 2019. Washington a exhorté Pékin à «respecter la liberté de la presse», par la voix du porte-parole du département d'État Matthew Miller. Le tabloïd fondé par le milliardaire du prêt-à-porter osait critiquer le régime autoritaire avec impertinence. À Londres, le ministre des Affaires étrangères David Cameron a dénoncé «des poursuites engagées pour des raisons politiques» contre ce citoyen britannique, recevant son fils en signe de solidarité. Le Royaume-Uni a rétrocédé Hongkong à la Chine en 1997, selon un traité international qui devait lui garantir une large autonomie jusqu'en 2047, aujourd'hui largement entaillée.

Un procès emblématique

Ce procès sous haute attention médiatique sera un nouveau test des limites imposées par la NSL sur la cité de sept millions d'habitants, longtemps havre de liberté face au continent cadenassé. «C'est un procès emblématique. Les autorités veulent donner l'impression qu'ils respectent les règles, pour rassurer les investisseurs. Mais sur la sécurité nationale, Hongkong est encore plus royaliste que le roi !» constate Jean-Pierre Cabestan, chercheur au Asia Centre. Les juristes scruteront les procédures, et le verdict attendu dans plusieurs mois, qui pourrait aller de plusieurs années d'emprisonnement à plusieurs décennies. Ils jaugeront ainsi le recul de l'État de droit sur l'île, qui s'attache à maintenir la façade héritée de l'Empire britannique, offrant une justice moins expéditive que le continent.

Aucun accusé n'a jamais gagné un procès sous le coup de la loi de sécurité nationale, qui interdit la participation d'un jury, contrairement à la «Common law» britannique, et la peine s'annonce exemplaire. «Je ne me fais aucune illusion sur l'indépendance du système judiciaire de Hong Kong», a déclaré son fils Sebastian Lai, ému en découvrant les images de son père «plus vieux, plus maigre». Jimmy Lai est l'un des rares accusés à avoir refusé de plaider «coupable», une option qui lui offrirait une peine amoindrie. Il avait également demandé d'être défendu par un avocat britannique, Timothy Owen, avant que Pékin ne s'y oppose. «On observera si les juges font preuve d'indépendance d'esprit, où s'ils se plient aveuglément aux injonctions du pouvoir», juge Cabestan. Un signal pour les investisseurs, alors que les tribunaux jugeant les affaires commerciales continuent d'opérer équitablement, selon les juristes.

Quelques travées ont été réservées au public dans le tribunal pour suivre les audiences qui devraient s'étirer jusqu'au mois d'avril, avant un verdict attendu plus tard. Les plus fervents ont dormi sur la chaussée pour pouvoir accéder à ces places convoitées, en signe de soutien au vétéran de la lutte.

Le rendez-vous survient dans un climat politique plombé, alors que les autorités tentent de rassurer des entreprises échaudées par le recul des libertés et la réponse sanitaire drastique imposée durant la pandémie, sur fond de croissance décevante. Si la jeunesse rebelle s'est résignée face à la répression, les plus ardents choisissant l'exil, telle l'activiste Agnès Chow, la population reste méfiante face au rouleau compresseur de Pékin. Elle a massivement boudé les élections locales réservées aux «patriotes» désignées par les autorités, le 10 décembre, avec un taux de participation de 27% seulement. Plus de 90% d'entre eux avaient offert un raz de marée à l'opposition en 2019, dans un «autre» Hongkong, aujourd'hui muselé.

Sujets

Le procès de Jimmy Lai s'ouvre sous haute sécurité ce lundi à Hongkong

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
10 commentaires
  • Bouvines77

    le

    Il faut croire que la vie a Hong Kong ‘’ sous contrôle de la Chine ‘’ n’est pas si désagréable, la plupart des résidents qui avaient quitté la ville, notamment pour aller au UK, demandent tous à revenir. De plus, ceux qui sont restés vont passer leur week-end en famille a Shenzhen, la ville voisine sur le continent ‘’cadenassé’’. Il doit y avoir une raison, mais ça le journaliste se garde bien de le dire.

  • TIESSE DI HOYE

    le

    Le Royaume-Uni défend la liberté à Hong-Kong. Il fut maître de ce territoire pendant des décennies. Le gouverneur en était nommé par Londres. Jusqu'en 1985, il existait une loi de sécurité pour empêcher toute sédition contre le pouvoir britannique. Le conseil qui aidait le gouverneur était constitué de personnes nommées. Ce n'est que dans les dernières années avant la restitution que Londres a introduit un semblant de démocratie à Hong-Kong, dans le but de gêner le futur pouvoir chinois.

  • Hugues Henri

    le

    Comme quoi, il n'y a pas qu'aux Etats-Unis que les opposants au gouvernement font l'objet de procès.

À lire aussi