On pourrait croire à une plaisanterie, un ressort absurde pour dédramatiser une actualité climatique pesante. Il n’en est rien. La 28e conférence de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur le climat, la COP28, qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï (Emirats arabes unis), sera présidée par Sultan Al-Jaber, le ministre de l’industrie émirati et président-directeur général (PDG) de la compagnie nationale pétrolière Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc). Une nomination, officiellement annoncée jeudi 12 janvier, qui suscite l’incrédulité, le scepticisme ou la colère de nombreux experts du climat.
C’est la première fois que le président d’un groupe pétrolier – et plus largement d’une entreprise – exerce cette responsabilité de chef d’orchestre des négociations climatiques, celui qui doit permettre aux 196 pays de trouver des compromis pour accélérer la lutte contre le réchauffement. Une double casquette qui pose question, alors que le dérèglement climatique est principalement causé par la combustion d’énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz.
Dénonçant un important « conflit d’intérêts », Tasneem Essop, la directrice exécutive du Climate Action Network, regroupant 1 900 organisations non gouvernementales (ONG) de 130 pays, appelle Sultan Al-Jaber à démissionner de son poste de PDG. Sans quoi, « cela équivaudra à une prise de contrôle totale des négociations des Nations unies sur le climat par une compagnie pétrolière et les lobbyistes des combustibles fossiles ». En 2022, la COP27, en Egypte, avait accueilli plus de 600 d’entre eux, un record. « Nous ne pouvons pas avoir une autre COP où l’industrie des combustibles fossiles est autorisée à sacrifier notre avenir pour engranger quelques années de profit supplémentaires », abonde Vanessa Nakate, militante ougandaise pour le climat.
Conférence cruciale
La pilule est d’autant plus dure à avaler pour les défenseurs du climat que la COP28 s’avère cruciale. Dans un monde confronté à la multiplication des catastrophes climatiques, l’attente est grande de voir une conférence s’attaquer aux énergies fossiles. Cette édition est d’autant plus importante qu’elle verra établi le premier bilan mondial des engagements climatiques des pays.
Comment expliquer un tel choix ? La présidence des COP tourne chaque année, selon une rotation entre cinq grands groupes régionaux définis par l’ONU. Après l’Europe de l’Ouest en 2021 (la COP26 de Glasgow) et l’Afrique (celle de Charm El-Cheikh) en 2022, c’était cette année au tour de l’Asie-Pacifique – qui inclut le Moyen-Orient – d’accueillir la grand-messe climatique. Les Emirats arabes unis ont pu faire valoir leurs moyens financiers et leurs infrastructures, même si « la façon dont l’attribution a été décidée au sein du groupe est opaque », glisse un expert des négociations climatiques.
Il vous reste 60.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.