L’Alliance atlantique ne se cache plus. Après trois décennies passées à réduire la voilure en matière militaire, à la suite de la chute du mur de Berlin en 1989 et après la dislocation de l’Union soviétique deux ans plus tard, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) s’est décidée à doper ses capacités, afin de répondre à l’« opération militaire spéciale » lancée par la Russie en Ukraine et aux menaces proférées par son président, Vladimir Poutine, à l’égard des pays situés sur le flanc oriental de l’Europe.
Le 24 janvier, l’Alliance a lancé Steadfast Defender 24, sa plus importante série d’exercices militaires en Europe depuis la fin de la guerre froide. Prévues pour durer jusqu’au 31 mai, ces manœuvres XXL mobilisent quelque 90 000 hommes venus de 32 pays et pas moins de 1 100 véhicules blindés, dont 166 chars de combat. Les exercices se déroulent principalement dans les plaines de Pologne et de Norvège, mais aussi en Allemagne, dans les pays baltes, en Roumanie, en Finlande, en Slovaquie, en Grèce ou encore en Suède.
« C’est notre plus important déploiement depuis l’exercice Reforger en 1988, dans lequel 125 000 hommes avaient été engagés », assure le général américain Randolph Staudenraus, responsable des opérations du commandement militaire de l’OTAN à Brunssum (Pays-Bas), venu le 4 mars près de Gdansk, en Pologne, pour superviser l’un des deux principaux exercices terrestres de la séquence, appelé « Dragon 24 ».
Steadfast Defender 24 est également la première mise en œuvre des nouveaux plans de défense de l’OTAN, décidés après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et adoptés lors du sommet de l’Alliance qui s’est tenu à Vilnius, en juillet 2023.
« Monter en gamme »
Jusqu’ici réticents à cibler explicitement la Russie, pour éviter toute escalade, les responsables militaires de l’OTAN n’hésitent plus, dans leurs scénarios, à désigner Moscou comme l’ennemi à combattre. Pour Dragon 24, l’objectif assigné aux troupes était de se déplacer le plus rapidement possible de l’ouest de l’Europe à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, afin d’empêcher une force ennemie de pénétrer sur le territoire de l’Alliance. Un scénario auquel les forces de l’OTAN pourraient être confrontées, entre autres menaces, en cas de tentative de Moscou de prise du corridor de Suwalki, l’étroit couloir qui relie l’enclave de Kaliningrad au territoire biélorusse et sépare les pays baltes de la Pologne.
« Le risque le plus élevé auquel nous avons à faire face aujourd’hui est celui d’un conflit majeur en Europe, confirme le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre, venu observer le 5 mars le déploiement des sept cents soldats et douze chars Leclerc français impliqués dans l’exercice Dragon 24. La Russie a construit des forces puissantes et a la volonté de les employer pour faire plier ses adversaires (…). Elle est aujourd’hui très concentrée sur l’Ukraine et il est difficile d’évaluer son temps de régénération. Cela peut être très rapide, deux à trois ans, ou plus lent. Il nous faut utiliser ce temps pour nous préparer et monter en gamme. »
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