« C’est faux » : Benzema envisage de porter plainte contre Darmanin, qui l’accuse d’être lié aux Frères musulmans

Karim Benzema prépare sa contre-attaque. Accusé mardi soir par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin d’être « en lien notoire avec les Frères musulmans » sur le plateau de la chaîne CNews, l’ex-avant-centre du Real Madrid et Ballon d’or 2022 envisage de porter plainte contre le locataire de la place Beauvau. Et réfute, par l’intermédiaire de son avocat Me Hugues Vigier, tout lien avec l’organisation islamiste.

« Ceci est faux ! Karim Benzema n’a jamais eu la moindre relation avec cette organisation, explique le conseil de celui qui a rejoint le club saoudien d’Al-Ittihad en juin. Il a d’ailleurs choisi de vivre en Arabie qui a décrété ladite organisation terroriste, ce que n’a jamais fait la France. »

Une plainte en vue contre l’eurodéputée Nadine Morano

« Nous réfléchissons à des poursuites à l’encontre de ce ministre en application, par exemple, de la loi sur la manipulation de l’information chère à notre gouvernement… et de la diffamation voire de l’injure publique, parce que ce lien inexistant avec les Frères musulmans qu’il dit pourtant notoire est évidemment présenté comme dépréciatif. Il n’est pas acceptable que ceux qui gouvernent se croient autorisés à tout par pur opportunisme. »

Par ailleurs, l’international français aux 97 sélections avec les Bleus va porter plainte pour diffamation contre la députée européenne Nadine Morano (Les Républicains) et le publicitaire Frank Tapiro. La première a estimé dans une interview à Europe 1 que le joueur était « un élément de propagande du Hamas », là où le second a estimé que Benzema était « un collabo », « complice du terrorisme ».

Le tort de Karim Benzema à leurs yeux ? Avoir publié un post sur X, anciennement Twitter, un post soutenant « les habitants de Gaza victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n’épargnent ni femmes ni enfants », sans avoir publié de message de soutien envers les victimes des attaques du Hamas contre des Israéliens le 7 octobre.

« Une atteinte profonde et insupportable à son honneur »

« Prier le 15 octobre pour des populations civiles sous les bombes qui n’épargnent ni les femmes ni les enfants ne constitue évidemment ni propagande pour le Hamas, ni complicité de terrorisme ni actes de collaboration, estime son avocat. C’est, je veux le croire, la compassion naturelle en face de ce que beaucoup qualifient aujourd’hui de crimes de guerre qui se commettent à Gaza, mais qui n’enlève rien à l’horreur des actes terroristes du 7 octobre, qui ne se discute pas. En employant ces termes scandaleux à son égard, Nadine Morano et Frank Tapiro ont porté une atteinte profonde et insupportable à son honneur. »

Le joueur envisage également de porter plainte contre la sénatrice LR Valérie Boyer. Cette dernière a demandé, si ses liens avec les frères musulmans étaient avérés, qu’il soit déchu de son Ballon d'or 2022 ainsi que de sa nationalité française. « Pareille mesure, impossible contre un natif français de parent français, ne rappellerait en Europe que l’Allemagne nazie », s’insurge Me Hugues Vigier.

« Un signal particulièrement flou de la part d’un sportif bénéficiant d’une telle audience »

Mardi soir, Gérald Darmanin avait mis le feu aux poudres en accusant à la télévision Karim Benzema d’être « en lien » avec l’organisation islamiste, par ailleurs interdite depuis 2014 en Arabie saoudite, où joue et réside Karim Benzema. « Monsieur Benzema est en lien, on le sait tous, notoire avec les frères musulmans, lançait le ministre de l’Intérieur. Nous nous attaquons à une hydre que sont les Frères musulmans parce qu’ils donnent un djihadisme d’atmosphère comme le disait Gilles Kepel (spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain). »

Contacté mercredi par Le Parisien-Aujourd’hui en France pour préciser cette accusation, le cabinet de ministre de l’Intérieur explique que « depuis plusieurs années, nous constatons une lente dérive des prises de position de Karim Benzema vers un islam dur, rigoriste, caractéristique de l’idéologie frériste consistant à diffuser les normes islamiques dans différents espaces de la société, notamment dans le sport ».

Lui est ainsi reproché le fait d’avoir refusé de chanter la Marseillaise lorsqu’il était en équipe de France ou d’être prosélyte autour du culte musulman sur les réseaux sociaux. Sur la question de l’hymne national, qu’il a refusé de chanter dès ses premières sélections à la fin des années 2000, Benzema s’était expliqué à plusieurs reprises. La dernière fois en 2018, pour Vanity Fair : « Si vous écoutez bien, la Marseillaise appelle à faire la guerre. Et ça, ça ne me plaît pas », disait-il, avant d’assurer que le sujet était devenu une « affaire politique ».

Autre grief évoqué par le cabinet du ministère de l’Intérieur, une photo prise avec l’influent l’imam de Meaux Nourdine Mamoune, dont le domicile avait été perquisitionné en 2020 dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Samuel Paty. Ce cliché, partagé par l’ancien membre du Rassemblement national Damien Rieu, était alors devenu viral, et Karim Benzema avait porté plainte pour diffamation. S’il a perdu en septembre son procès en première instance, le footballeur a fait appel.

Enfin, les partages de publication sur ses réseaux sociaux – Benzema est suivi par 140 millions de followers tous réseaux confondus - du combattant de MMA Khabib Nurmagedov, considérés par l’équipe de Gérald Darmanin comme « un véritable appel à la haine à la suite de publication de caricatures du prophète Mahomet dans la presse française », sont aussi évoqués.

Des éléments qui, pour le cabinet du ministre de l’Intérieur, ne « relèvent pas de poursuites judiciaires, mais constitue un signal particulièrement flou de la part d’un sportif bénéficiant d’une telle audience ». Mais qui ne prouvent pas, en l’état, d’un « lien notoire » entre Karim Benzema et les frères musulmans, comme l’avançait mardi soir Gérald Darmanin.

« Le ministre de l’Intérieur a sûrement d’autres informations dont il ne veut pas faire état sur ce sujet », croient savoir deux députés de la majorité. Gérald Darmanin a reçu en mai l’universitaire et anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, qui a écrit un livre dédié aux Frères musulmans et à leurs réseaux en janvier.