Gaza : les Américains font le forcing pour un accord de cessez-le-feu
Les Etats-Unis vont mettre cette semaine tout leur poids dans la balance pour convaincre Israël et le Hamas de conclure un accord sur un cessez-le-feu et la libération des otages lors d'un « sommet » le 15 août.
Par Pascal Brunel
Les Américains mobilisent leur « dream team » diplomatique pour forcer la main de Benyamin Netanyahou et du Hamas. Objectif : parvenir lors d'un sommet organisé jeudi au Caire ou à Doha avec la participation de l'Egypte et du Qatar à conclure un accord sur un cessez-le-feu après dix mois de guerre dans la bande de Gaza et la libération de 115 otages détenus par le Hamas. Antony Blinken, le secrétaire d'Etat, William Burns, le chef de la CIA et des équipes de diplomates vont être sur le pont. Leur mission ne s'annonce pas de tout repos.
Sur le terrain, en effet, l'heure de la désescalade n'a pas sonné. Bien au contraire. L'aviation israélienne a tiré samedi matin trois roquettes contre une école dans la ville de Gaza. Le porte-parole de Tsahal a publié un poster avec le nom de 19 « terroristes » du Hamas et du Jihad islamique, une organisation encore plus radicale, avec une mention « liquidé » sur les photos d'identité de chacun des Palestiniens tués.
Liquidation ciblée
Le Hamas a, de son côté, dénoncé un « massacre » et affirmé que cette attaque avait fait une centaine de morts parmi des civils. Tsahal affirmé que ce chiffre est exagéré et que toutes les précautions avaient été prises grâce à l'utilisation de « munitions précises ».
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Pour compléter le tableau, l'armée israélienne a poursuivi dimanche sa troisième opération à Khan Younes depuis le début de la guerre le 7 octobre provoquée par des tueries de commandos du Hamas dans le sud d'Israël. Les Palestiniens, qui résidaient dans des « zones humanitaires » dans cette ville du sud de la bande de Gaza où l'armée israélienne n'est pas censée intervenir, ont été appelés dimanche à quitter immédiatement les lieux pour leur sécurité.
De plus, la tension provoquée par la « liquidation ciblée » le 31 juillet d'Ismaïl Haniyeh, le dirigeant politique du Hamas à Téhéran attribuée à Israël, n'est pas près de retomber. Yahya Sinouar, le chef du Hamas dans la bande a pris tous les pouvoirs aussi bien militaires que politiques. Or, celui qui est considéré comme le « cerveau » des massacres du 7 octobre s'est, jusqu'à présent, montré inflexible dans les négociations. Il réclame un retrait total de l'armée israélienne de la bande de Gaza comme condition à un accord, une exigence inacceptable pour Benyamin Netanyahou.
Impatience américaine
Le Premier ministre israélien est toutefois soumis à un véritable forcing des Etats-Unis pour qu'il fasse preuve d'un minimum de souplesse. Lors de récents entretiens téléphoniques très tendus, le président américain a accusé le Premier ministre de traîner les pieds dans les négociations. Kamala Harris, la vice-présidente et candidate démocrate à la présidentielle a, elle aussi donné des signes évidents d'impatience vis-à-vis de Benyamin Netanyahou.
Ce sentiment est partagé par une coalition en Israël comprenant le général Herzi Halevi, le chef d'état-major, Yoav Gallant, le ministre de la Défense, ainsi que David Barnea, le patron du Mossad, et Ronen Bar, qui dirige le Shin Beth, le service de sécurité chargé de la lutte antiterroriste. Tous soulignent qu'Israël est suffisamment fort pour prendre le risque d'adopter un projet d'accord soutenu par le président Biden prévoyant dans un premier temps un cessez-le-feu de six semaines et la libération d'une partie des otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.
« Des extrémistes »
Jusqu'à présent, le Premier ministre a résisté à ces pressions. De nombreux commentateurs l'accusent de céder ainsi à deux ministres d'extrême droite, Bezalel Smotrich (Finances) et Itamar Ben Gvir (Sécurité nationale) partisans d'une guerre à outrance, de crainte que leur démission provoque la chute du gouvernement.
Les Etats-Unis, conscients de cette dépendance, ont lancé une offensive sans précédent contre ces « extrémistes ». « L'administration américaine ne permettra pas à des extrémistes de faire dérailler des discussions sur un cessez-le-feu », a prévenu John Kerby.
Pour une partie des commentateurs israéliens, Benyamin Netanyahou est désormais au pied du mur ; il doit choisir entre le duo Smotrich-Ben Gvir ou les Etats-Unis, qui, hasard du calendrier, viennent de débloquer une première tranche d'aide supplémentaire de 3,5 milliards de dollars destinée à financer des achats d'armes américaines.
Pascal Brunel (Correspondant à Tel Aviv)
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