LETTRE D’ATHÈNES
En Grèce, l’acquittement en appel d’anciens responsables de l’entreprise allemande Siemens, poursuivis dans le cadre de l’une des plus grosses affaires de corruption, a fait grand bruit. L’affaire remonte à la fin des années 1990, lors de la modernisation du réseau téléphonique. Des contrats gonflés sont alors signés entre Siemens et la compagnie publique d’électricité, et des pots-de-vin sont distribués à des responsables de la société allemande mais aussi à des hommes politiques grecs. D’après des responsables de la filiale grecque de Siemens, 130 millions de marks ont été versés. En 2011, en pleine crise économique, une commission d’enquête parlementaire avait estimé que ce scandale avait coûté environ 2 milliards d’euros au pays.
Lundi 26 septembre, après seize ans de procédure et de nombreux reports, la cour d’appel d’Athènes a acquitté 20 personnes qui avaient été condamnées en première instance en 2019 à quinze ans de prison pour corruption. Même l’ancien patron de la filiale grecque de Siemens, Michalis Christophorakos, qui s’était enfui en Allemagne au début de l’enquête, n’a écopé d’aucune peine. La raison ? Les faits sont prescrits.
Immédiatement, tous les médias ont crié au scandale. L’hebdomadaire de gauche Documento a qualifié l’acquittement de « provocation », estimant que les Grecs avaient enduré de nombreuses mesures d’austérité pendant la crise en raison en partie de toutes les affaires de corruption qui avaient coûté à l’Etat grec. Le journal de centre droit Kathimerini a souligné « le goût amer » laissé par cette affaire et « l’incapacité du système politique et judiciaire à mener à bien une enquête qui a duré seize ans ». Ta Nea (centre droit) a quant à lui constaté qu’« une affaire qui a occupé l’opinion publique et secoué la scène politique grecque est close à la hâte et mise sous le “tapis de la prescription” ».
« Le sentiment d’injustice plane partout »
Etonné de cet acquittement, même le procureur de la Cour de cassation, Isidoros Dogiakos, a ordonné une enquête préliminaire afin de déterminer les raisons de la lenteur de la procédure qui ont conduit à la prescription.
Sur le site News247, l’éditorialiste Yannis Albanis estime qu’« en Grèce, l’élite pense que les citoyens sont si résignés ou si cyniques (ou les deux) qu’ils ne réagiront pas ». Pourtant, sur les réseaux sociaux, la colère de nombreux Grecs a aussi explosé. « C’est ça alors la justice ? Une machine à laver [qui] blanchit Christophorakos et les autres accusés ! », s’insurge un internaute sur Twitter. « Nous vivons dans un pays où vous allez en prison pour rien et où, lorsque vous volez l’Etat, vous êtes félicité », renchérit un autre.
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