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Plan sur les trottinettes : « Le laxisme a trop duré », affirme Clément Beaune, ministre des Transports

INTERVIEW. Face à la flambée des accidents, les trottinettes en libre circulation pourraient être interdites avant 14 ou 16 ans. Les contrôles sur la circulation à deux seront renforcés

Propos recueillis parJuliette Droz, Guylaine Idoux , Mis à jour le
Le ministre Clément Beaune, mercredi dans son bureau, à Paris.
Le ministre Clément Beaune, mercredi dans son bureau, à Paris. © Nicolas Marques pour le JDD

Depuis leur apparition sur les routes de France, ces petits bolides à deux roues n’en finissent pas de semer la discorde. Le ministre des Transports, ­Clément Beaune, demande aux opérateurs d’« agir très vite » pour diminuer l’accidentologie et menace de légiférer faute de réaction.

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Que prévoyez-vous pour mieux réguler l’usage des trottinettes ?
Avec un plan d’action national, pour la première fois. Il contient des mesures fortes, que nous affinerons après concertation avec tous les acteurs : élus, associations, opérateurs. Cette semaine, j’ai reçu les parents d’enfants victimes d’accidents et plusieurs parlementaires très engagés sur cette question. Nous restons dans l’esprit de la loi sur les mobilités de 2019, qui a laissé un maximum de régulation aux villes, pour s’adapter aux situations locales. Mais il faut un cadre national renforcé, aussi pour aider certaines collectivités qui ont du mal à imposer des règles strictes aux opérateurs. L’État va mettre l’épée dans les reins des opérateurs, car le laxisme a maintenant trop duré. Cela passera par un accord avec eux, qui peut se traduire dans les conventions avec les collectivités. Mais s’il faut réglementer davantage, nous le ferons.
 

 Il n’est pas logique que l’amende pour port d’écouteurs sur une trottinette soit de 135 euros, contre 35 euros si vous êtes à deux. 

Clément Beaune


Pourquoi ne pas légiférer directement ?
Cela permet aussi d’être plus rapide qu’une loi et de garder une nécessaire souplesse locale. Les opérateurs devront agir très vite.
 

Quelles seront ces nouvelles obligations ?
D’abord l’âge des usagers. Il est fixé à 12 ans actuellement. Certaines collectivités vont plus loin. Il doit être d’au moins 14 ou 16 ans. Surtout, pour être efficace, les opérateurs devront généraliser les dispositifs de vérification de l’âge ; c’est impératif pour éviter les drames impliquant de jeunes ados.
Ensuite, il faut pour toutes les trottinettes en libre-service un numéro d’identification apparent: cela facilitera et renforcera les contrôles. Conformément à ce que recommande l’Académie nationale de médecine, nous devons également renforcer les éléments de visibilité sur les engins, avec des clignotants notamment, dont l’absence accroît le risque d’accidents.
Pour en finir avec les amas de trottinettes abandonnées, la plupart des collectivités ont mis en place des emplacements de stationnement obligatoires : les opérateurs doivent impérativement généraliser la double béquille et accroître les patrouilles pour lutter contre le stationnement anarchique. Enfin, je souhaite un effort écologique, comme l’a fait la métropole de Lyon par exemple, en exigeant une durée de vie plus longue des batteries et une obligation de recyclage en France.

 Dans 20 % des cas, les trottinettes sont utilisées à la place d’un mode de transport polluant du type voiture ou scooter, selon l’étude commandée – et cachée – par la Ville de Paris. 

Clément Beaune

Le casque sera-t-il obligatoire ?
Nous ne l’avons pas retenu à ce stade. Pourquoi ? Car pour qu’une obligation soit efficace, elle doit pouvoir être contrôlée et cela concernerait un nombre immense de cas. Si vous le faites pour la trottinette, la cohérence exige que vous le fassiez pour le vélo. Dans le cadre de la transition écologique, nous avons aussi besoin de développer ces moyens de transports, en les encadrant mieux. Mais j’insiste : le port du casque nous protège tous, il est utile et recommandé. Je dois dire aussi que le témoignage des familles que j’ai rencontrées m’a beaucoup touché et fait réfléchir : en fonction de la concertation et de l’efficacité des nouvelles mesures, nous pourrons rouvrir le débat.

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Que prévoyez-vous pour enrayer la circulation à deux ?
Être à deux sur une trottinette, c’est interdit et c’est la cause d’un accident grave sur 5. Avec des drames comme les ont connus les familles que j’ai reçues. Il faut renforcer les contrôles. C’est ce que fait la police nationale, mais c’est surtout la mission des polices municipales. Je le dis aux collectivités : priorisons les contrôles sur les personnes à deux sur les trottinettes. Avec le ministère de l’Intérieur, nous sommes prêts à durcir certaines contraventions : comment expliquer que ce ne soit que 35 euros pour la conduite à deux ? La question de la vérification de l’âge par les opérateurs est également essentielle, pour éviter que les trottinettes soient vues comme un jeu par les ados. Autre piste : Lyon impose aux opérateurs de brider la vitesse pour les débutants, une mesure qui pourrait se généraliser.
 

De nombreuses villes disent ne pas avoir les moyens de développer ces infrastructures…
L’amélioration de la sécurité réside avant tout dans le développement des pistes dédiées aux seuls vélos et trottinettes. Rien qu’en 2023, l’État a engagé 250 millions en soutien aux collectivités locales sur ce point. Et un montant important d’investissement sera annoncé pour les prochaines années.

Les trottinettes électriques sont-elles vraiment un moyen de transport écologique ?
Dans 20% des cas, les trottinettes sont utilisées à la place d’un mode de transport polluant du type voiture ou scooter, selon l’étude commandée – et cachée – par la Ville de Paris. Ce n’est pas négligeable !

D’autres études estiment plutôt ce report à 8-10%...
Ce qui est sûr, c’est que la tendance augmente. C’est pour cela que je préfère la régulation intelligente à l’interdiction bête et méchante. À ses débuts, le vélo en libre-service a aussi provoqué des tensions. Pourtant, on ne l’a pas interdit, on l’a régulé et on a mené le combat de la sécurité. Il faut faire de même pour les trottinettes.
 

 

Ne cherchez-vous pas à couper l’herbe sous le pied d’Anne Hidalgo qui organise le 2 avril un référendum sur l’interdiction à Paris des trottinettes en libre circulation ?
Ce n’est pas parce que Paris est débordé que toutes les villes de France doivent être pointées du doigt. Anne Hidalgo veut interdire les trottinettes sans l’assumer, donc elle organise un référendum sans campagne et sans que les opinions contradictoires puissent s’exprimer. Quand vous les avez développées massivement, fait appel à des opérateurs, et que vous dites « je n’y arrive plus », c’est un aveu d’échec et de faiblesse.

Irez-vous voter ?
C’est la première votation en 9 ans de mandat, c’est lunaire. J’irai voter comme citoyen et comme élu de Paris. Vous avez compris dans quel sens...

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