Voilà des chiffres qui devraient alimenter les débats de la COP28 sur le climat, qui se tient actuellement à Dubaï. Alors qu’elles sont les principales responsables du réchauffement climatique, les émissions de CO2 poursuivent leur sinistre ascension dans l’atmosphère. Elles devraient atteindre 36,8 milliards de tonnes (GtCo2) en 2023, en hausse de 1,1 % sur un an, selon une étude du Global Carbon Project publiée ce mardi 5 décembre.

Depuis près de vingt ans, cette équipe internationale composée de plus de 120 scientifiques fournit une mise à jour du bilan carbone planétaire annuel et des estimations pour l’année en cours. Sans grande surprise, l’année 2023 devrait établir un nouveau record, avec des émissions de CO2 attendues en hausse de 1,4 % par rapport à 2019, avant le Covid. À titre de comparaison, l’humanité émettait environ 10 milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans les années 1960, soit 4 fois moins qu’aujourd’hui.

Les émissions de l’Inde dépassent celles de l’Union européenne

Dans le détail, de plus en plus de pays voient pourtant leurs émissions fossiles reculer – 26 États contre 22 dans la décennie précédente –, mais ces efforts restent très insuffisants pour inverser la croissance des émissions de la Chine (+ 4 % attendues en 2023) et de l’Inde (+ 8,2 %), qui représentent à elles seules près de 40 % des émissions mondiales de CO2.

« Alors que la croissance des émissions chinoises a eu tendance à ralentir ces dernières années, celles de l’Inde progressent très rapidement, du fait du développement économique du pays reposant encore très majoritairement sur les énergies fossiles », explique Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. En 2022, et pour la première fois, les émissions de l’Inde ont d’ailleurs dépassé celles de l’Union européenne, en recul depuis les années 1990.

Quant aux États-Unis, le pays représente toujours 14 % des émissions mondiales, mais celles-ci ont également tendance à reculer depuis un peu plus de quinze ans. En 2023, les émissions américaines devraient encore baisser de 3 %, du fait notamment des prix du gaz naturel, qui ont permis de poursuivre la fermeture des centrales électriques au charbon.

In fine, la croissance totale des émissions de CO2, qui comprend les émissions fossiles et les émissions liées au changement d’usage des sols (déforestation, etc.), a considérablement ralenti au cours de la décennie passée (0,14 % de croissance entre 2013 et 2023, contre 2,1 % entre 2003 et 2012). Sauf que pour tenir l’objectif de l’Accord de Paris de ne pas dépasser le seuil de + 1,5 degré de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle, c’est bien d’une baisse des émissions dont l’humanité a besoin.

Le seuil de + 1,5 degré pourraient être dépassés d’ici 7 ans

« Pour tenir le 1,5 degré et donc la neutralité carboned’ici à 2050, il faudrait réduire d’environ 1,5 GtCO2 par an nos émissions totales de CO2, ce qui correspond grosso modo à la baisse observée pendant le Covid », explique Philippe Ciais. Au rythme actuel, les scientifiques estiment qu’il y a 50 % de chance que le réchauffement climatique dépasse 1,5 °C de manière constante (soit en moyenne sur plusieurs années) dans environ sept ans. Une cible de 1,5 degré qui devrait d’ailleurs être dépassée de manière temporaire dès 2024.

En suivant le niveau actuel, le seuil de + 1,7 degré devrait quant à lui être dépassé d’ici à quinze ans, et les 2 degrés d’ici à trente ans. À ces dates, ce qu’on appelle le « budget carbone », c’est-à-dire le plafond maximal d’émissions de CO2 permettant de rester en dessous d’une température moyenne mondiale donnée, sera donc épuisé. Mais comme le rappellent les scientifiques, ces prévisions demeurent incertaines. « Le budget carbone restant est soumis à de grandes incertitudes, en particulier lorsque l’on est si proche de la limite de 1,5 °C fixée pour le réchauffement de la planète », précise le rapport.

« Ces données tendent à prouver que les politiques climatiques sont certes insuffisantes mais pas inefficaces, et qu’il convient donc d’accélérer la pression sur les gouvernements », conclut Philippe Ciais, qui rappelle qu’à mesure que les émissions augmentent, la part de gâteau pour les générations futures se réduit…