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L’Azerbaïdjan affirme avoir « rétabli sa souveraineté » dans le Haut-Karabakh, où au moins 200 personnes ont été tuées selon les séparatistes

Au lendemain du déclenchement par Bakou d’une opération militaire dans cette région disputée, les séparatistes arméniens ont annoncé qu’ils déposaient les armes. Des discussions doivent avoir lieu dès jeudi dans la ville azerbaïdjanaise de Yevlakh.

Le Monde avec AP et AFP

Publié le 20 septembre 2023 à 11h44, modifié le 21 septembre 2023 à 09h14

Temps de Lecture 5 min.

Des débris dans une rue de Stepanakert, le 20 septembre.

Un cessez-le-feu a été annoncé mercredi 20 septembre dans le Haut-Karabakh, où les séparatistes arméniens ont accepté de déposer les armes et d’entamer des négociations sur la réintégration de ce territoire à l’Azerbaïdjan. L’assaut militaire azerbaïdjanais de vingt-quatre heures, dont le dernier bilan humain fourni par les Arméniens s’établit pour l’instant à deux cents personnes tuées et quatre cents blessées, aura suffi à faire plier les séparatistes acculés par la puissance de feu des forces de Bakou, et la décision de l’Arménie de ne pas leur venir en aide.

Après l’instauration du cessez-le-feu, l’Arménie a accusé mercredi soir l’armée azerbaïdjanaise d’avoir ouvert le feu à l’arme légère « sur les avant-postes de combat arméniens près de Sotk », dans une région frontalière, a affirmé le ministère de la défense arménien dans un communiqué.

Cette annonce constitue une victoire majeure pour le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, dans sa volonté de prendre le contrôle de cette région majoritairement peuplée d’Arméniens, et qui a été le théâtre de deux guerres, l’une de 1988 à 1994 et l’autre à l’automne 2020. M. Aliev a assuré, lors d’une allocution télévisée dans la soirée, que l’Azerbaïdjan avait « détruit la plupart » des forces et équipements des séparatistes et « rétabli sa souveraineté » dans cette enclave.

La Russie, dont un contingent de la paix est déployé dans le Haut-Karabakh depuis 2020, a joué un rôle crucial de médiateur dans la signature de ce cessez-le-feu. « Un accord sur une cessation complète des hostilités » mercredi « à 13 heures [heure locale, 11 heures, heure de Paris] a été conclu avec la médiation du commandement des forces de paix russes », a déclaré la présidence des séparatistes dans un communiqué. Dans le détail, l’accord prévoit « le retrait des unités et des militaires restants des forces armées de l’Arménie » et « la dissolution et le désarmement complet des formations de l’Armée de défense du Nagorny-Karabakh ».

Dans des propos diffusés par la télévision d’Etat, le président russe Vladimir Poutine a dit espérer un « règlement pacifique » de ce conflit, sans mentionner le cessez-le-feu. Il n’était toutefois pas possible de dire si ces déclarations avaient été enregistrées avant, ou après, l’annonce de l’accord.

L’Azerbaïdjan souhaite « la réintégration pacifique des Arméniens du Karabakh »

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, qui avait dénoncé mardi une « agression de grande ampleur » à des fins de « nettoyage ethnique », a jugé pour sa part « très important » que les combats s’arrêtent, ceux-ci n’ayant pas encore, d’après lui, totalement cessé. Il a par ailleurs assuré que son pays n’avait « pas participé » à la rédaction de l’accord sur le cessez-le-feu, et affirmé que l’Arménie n’avait plus d’unités militaires dans la région depuis août 2021. Bakou maintient le contraire.

Critiquant le premier ministre, des milliers de personnes ont manifesté mercredi devant le siège du gouvernement arménien, selon une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP). Une partie de l’opinion publique arménienne, traditionnellement très attachée à cette région, reproche à Nikol Pachinian de n’avoir pas volé au secours des séparatistes, face à un ennemi bien mieux armé et beaucoup plus riche.

La police, qui a procédé à des arrestations, a été la cible de jets de bouteilles et de pierres de la part de manifestants, selon une journaliste de l’AFP. Les forces de l’ordre ont utilisé des grenades assourdissantes et prévenu qu’elles prendraient des « mesures spéciales » si l’ordre ne revenait pas, d’après cette même source. Les partis de l’opposition appellent le Parlement à lancer un « processus de destitution » du premier ministre, a déclaré devant la foule l’homme politique Ichkhan Sagatelian, du parti Dachnak.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’Azerbaïdjan lance une offensive d’envergure dans le Haut-Karabakh

Mercredi, Hikmet Hajiev, un conseiller du président azerbaïdjanais, a affirmé vouloir « la réintégration pacifique des Arméniens du Karabakh », et soutenir « le processus de normalisation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ». Et de promettre aux forces séparatistes, qu’un « passage en toute sécurité sera assuré par la partie azerbaïdjanaise ». M. Hajiev a assuré, face aux journalistes, que « toutes les actions » menées « sur le terrain » dans la région étaient coordonnées avec les soldats de maintien de la paix russes. Les séparatistes ont en outre accepté d’avoir jeudi, dans la ville azerbaïdjanaise de Yevlakh, de premiers pourparlers sur « la réintégration » à l’Azerbaïdjan de ce territoire.

La France demande au président azerbaïdjanais « de donner des garanties » de sécurité aux habitants du Karabakh

Cette victoire azerbaïdjanaise nourrit toutefois les craintes d’un départ massif des 120 000 habitants du Haut-Karabakh, tandis que des images diffusées par des médias locaux montraient une foule rassemblée à l’aéroport, contrôlé par les Russes, de Stepanakert, la capitale des séparatistes. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a à cet égard appelé mercredi l’Azerbaïdjan à « garantir les droits et la sécurité » des Arméniens du Haut-Karabakh « de façon crédible ».

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« Plus de 10 000 personnes sont évacuées de leur habitat d’origine » vers d’autres zones de cette région, a déclaré le médiateur des droits pour le Nagorny-Karabakh, Gegham Stepanian. Ces personnes ne disposent « pas de nourriture adéquate, de médicaments ou de produits d’hygiène de base », a-t-il ajouté, dénonçant une « catastrophe ». Le contingent de la paix russe a dit avoir évacué pour sa part plus de 2 000 civils des zones les plus dangereuses, « dont 1 049 enfants », selon le ministère de la défense russe.

La cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, qui s’est montrée prudente sur le cessez-le-feu annoncé par Bakou, a mercredi exprimé son « inquiétude » face aux « informations qui nous parviennent faisant état d’un possible exode de ces populations », en soulignant que Paris tiendrait l’Azerbaïdjan « pour responsable du sort des populations ». Mme Colonna a également précisé rester vigilante « à toute tentative de prendre le prétexte des événements en cours pour mettre en cause l’intégrité territoriale de l’Arménie ».

Emmanuel Macron a demandé au président azerbaïdjanais « de donner des garanties sur les droits et la sécurité des habitants du Karabakh ». Lors d’un entretien téléphonique, le président français « a condamné le choix fait par l’Azerbaïdjan de recourir, hier, à la force, au risque d’aggraver la crise humanitaire au Haut-Karabakh et de compromettre les efforts en cours pour la recherche d’une paix juste et durable », a fait savoir l’Elysée.

« Nous suivons évidemment de très, très près la dégradation de la situation humanitaire » dans le Haut-Karabakh, qui a été « exacerbée par les attaques de l’Azerbaïdjan », a déclaré mercredi un porte-parole de la Maison Blanche. « Nous voulons que la suspension des opérations militaires s’impose et dure à cause du chaos que cela cause pour les populations civiles », a-t-il ajouté.

Une réaction internationale « insuffisante » pour les séparatistes

Les autorités séparatistes arméniennes ont par ailleurs organisé mercredi une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de la région sécessionniste. Lors de cette réunion, les séparatistes ont déploré une « réponse de la communauté internationale (…) insuffisante », selon un communiqué publié sur X (anciennement Twitter) par le ministère des affaires étrangères des autorités sécessionnistes.

La France, jugeant l’offensive azerbaïdjanaise « illégale » et « inacceptable », a demandé mardi « la convocation d’urgence d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies ». Une réunion que l’Azerbaïdjan a qualifiée, mercredi, de « pas nécessaire », « inefficace et préjudiciable », selon Hikmet Hajiev. Le conseiller a toutefois précisé que son pays serait prêt à exprimer « ses opinions et ses inquiétudes légitimes » devant le Conseil de sécurité.

Des manifestants se rassemblent dans le centre d’Erevan le 20 septembre 2023, alors que les séparatistes du Haut-Karabakh et les autorités azerbaïdjanaises ont annoncé qu’ils cesseraient les hostilités, marquant ainsi la fin d’une opération « anti-terroriste » lancée un jour plus tôt par les forces azerbaïdjanaises dans la région séparatiste.

Les autorités azerbaïdjanaises – qui ont dit avoir eu recours à l’« artillerie », à des roquettes, à des drones d’attaque et à l’aviation – ont expliqué leur offensive par la mort de six personnes dans l’explosion de mines posées, selon elles, par des « saboteurs » arméniens. Début août, l’Arménie avait réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) face à la « détérioration de la situation humanitaire » dans la région. Le corridor de Latchine, seul lien terrestre entre l’Arménie et le Haut-Karabakh, avait d’abord été entravé par des Azerbaïdjanais se présentant comme des manifestants écologistes, avant que Bakou n’instaure, le 11 juillet, un barrage routier à l’entrée de cette route en évoquant des raisons sécuritaires. Le Haut-Karabakh, région montagneuse à majorité arménienne située en Azerbaïdjan, est l’une des zones les plus minées d’ex-URSS. Des explosions y font régulièrement des victimes.

Le Monde avec AP et AFP

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