transplantation« Mes filles ne m’avaient jamais entendu parler »

Lyon : « Mes filles ne m’avaient jamais entendu parler », confie la première patiente greffée du larynx en France

transplantationDeux mois après la première greffe du larynx, les équipes chirurgicales de Lyon, qui l’ont réalisée, sont revenues sur cette prouesse technique mais aussi sur le long travail de rééducation qui attend la patiente
Karine a été la première patiente de France à être greffée du larynx.
Karine a été la première patiente de France à être greffée du larynx. - HCL / HCL
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Les 2 et 3 septembre, les chirurgiens des Hospices civils de Lyon ont réalisé la première greffe du larynx en France.
  • Deux mois après, le très long travail de rééducation commence à peine pour la patiente qui doit réapprendre à inspirer et expirer pour commencer.
  • La même équipe envisage désormais de réaliser d’ici deux ans les premières greffes de l’utérus et du pénis.

Son mari, dit-elle, « avait oublié le son » de sa voix. Et ses deux « filles ne l’avaient jamais entendu parler ». Première patiente à avoir bénéficié d’une greffe du larynx en France – la onzième dans le monde – Karine, 49 ans, préfère livrer ses impressions sur le papier, tout en conservant son anonymat. La parole est encore difficile. Deux mois après la transplantation, réalisée début septembre par les chirurgiens des Hospices civils de Lyon, seul un timbre grave, presque métallique, s’échappe de sa gorge.

« La muqueuse est bien posée mais le larynx ne bouge pas encore. Les cordes vocales ne sont pas tendues », explique Philippe Céruse, l’instigateur de cette première greffe. Pour l’instant, Karine trouve « sa voix abominable », révèle le spécialiste. « Dans les premières semaines qui suivent l’opération, les patients ont toujours l’impression d’un retour en arrière. C’est normal, on ne peut pas reparler en quelques jours », ajoute Lionel Badet, chef du service d’urologie et de chirurgie de la transplantation de l’hôpital Edouard Herriot.

Un très long travail de rééducation

Le très long travail de rééducation commence à peine. Il faudra attendre « la repousse nerveuse » pour retrouver un zeste de sensibilité dans la gorge d’ici six mois. Et entre douze et dix-huit mois pour un début de motricité du larynx. Ce qui pourrait permettre à Karine, alimentée par une sonde, de pouvoir à nouveau manger. Pour l’instant, la patiente réapprend l’essentiel : inspirer, expirer.

« Un jour, elle m’a dit qu’elle sentait un truc bizarre. C’était de l’air tout simplement qui passait dans ses voies respiratoires supérieures, témoigne Nathalie Crouzet Victoire, orthophoniste qui s’est occupée de la mère de famille pendant deux mois. Elle avait oublié ce que c’était. C’est difficile mais elle a la foi. »

« L’innervation laryngée, c’est ce qu’il y a de plus compliqué », relève Philippe Céruse. Aujourd’hui, l’équipe médicale ne se voile pas la face. Si l’intervention chirurgicale relève de la prouesse, la réussite totale de la transplantation n’est pas garantie. Loin de là, malgré les espoirs. « Le prix à payer, c’est la patience et l’incertitude », confirme Lionel Badet, soulignant qu’il faut « beaucoup de temps pour que la greffe puisse être fonctionnelle ». « Quand vous greffez, vous mettez en place un chronomètre et ce chronomètre définit la survie du greffon. Personne n’est capable de la prédire. Il n’est pas exclu qu’un jour, la patiente perde son greffon. C’est une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il faut apprendre à vivre avec. »

Des premières greffes de l’utérus et du pénis ?

Karine, qui respirait depuis vingt ans par trachéotomie à la suite de complications d’intubation après un arrêt cardiaque en 1996, voulait « retrouver une vie normale ». Elle s’est portée volontaire, il y a dix ans, en connaissance de cause, précise-t-elle par écrit : « Je savais qu’il faudrait faire preuve de courage et de patience ».

Si les HCL disposent d’un budget pour réaliser deux autres greffes du larynx, il faudra attendre que cette première patiente « se porte parfaitement bien » avant de se lancer. En attendant, les équipes de transplantations de Lyon espèrent être les premières à réaliser « l’année prochaine ou d’ici deux ans », une greffe de l’utérus pour « les femmes touchées par une stérilité définitive et non réversible » ainsi qu’une greffe du pénis pour les hommes « amputés de la verge » qui ont un « vécu épouvantable ». Deux organes non vitaux qui sont « synonymes de mort sociale » en cas de dysfonctionnement, conclut Lionel Badet.

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