POLITIQUE - C’est un serpent de mer qui revient sur le devant de la scène en ce début d’année 2023. Faut-il imposer le port de l’uniforme aux écoliers, collégiens voire aux lycéens ? C’était en tout cas le souhait du Rassemblement national qui présentait une proposition de loi en ce sens jeudi 12 janvier à l’Assemblée nationale... avant que celle-ci ne la rejette dans la soirée.
Le groupe d’extrême droite a utilisé sa niche parlementaire annuelle pour mettre aux voix l’obligation d’une « tenue uniforme » - Marine Le Pen est attachée à la formule - ce qui aurait signifié que chaque établissement aurait pu choisir sa coupe et sa couleur. Un texte qui n’a, malgré le soutien de LR dont les candidats au congrès portaient tous la mesure, - Aurélien Pradié entendant même l’élargir à l’université -, pas pu aboutir. Il avait déjà été rejeté en commission le 14 décembre dernier.
« Fausse bonne idée »
Pour autant, le débat fait son chemin, y compris au sein de la majorité. Un groupe de travail d’une dizaine de membres a été constitué parmi les députés Renaissance pour travailler sur le sujet et aboutir potentiellement à une proposition de loi « à titre expérimental », avec les établissements volontaires, selon Sylvain Maillard qui a piloté sa mise en place quand il était président du groupe par intérim. Ils ont jusqu’au mois de mars pour rendre leurs conclusions.
Ces élus pourront compter sur le soutien de Brigitte Macron. Auprès du Parisien ce mercredi 11 janvier, l’épouse du chef de l’État, par ailleurs ancienne enseignante, s’est prononcée pour le port de l’uniforme à l’école. « Cela gomme les différences, on gagne du temps – c’est chronophage de choisir comment s’habiller le matin – et de l’argent – par rapport aux marques », a-t-elle justifié, plaidant pour une « tenue simple, pas tristoune ».
Du côté du gouvernement, certains sont très actifs sur le sujet, comme la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès, présidente de la province sud de Nouvelle-Calédonie où l’uniforme est généralisé. « Nous sommes favorables au port de l’uniforme à l’école pour des raisons d’égalité réelle. En Nouvelle-Calédonie, il y a une homogénéité de religion sur place : ce n’est pas pour des raisons de laïcité, mais bien d’égalité », expliquait son entourage au HuffPost courant décembre.
Je ne veux pas de loi nationale sur le sujet, imposer le port de l’uniforme à tous les élèves, c’est non - Pap Ndiaye.
Une position loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement. Le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye est opposé à une loi sur le sujet, comme il l’a exprimé le 4 janvier sur BFMTV. « Je ne veux pas de loi nationale sur le sujet, imposer le port de l’uniforme à tous les élèves, c’est non », a affirmé le ministre qui a tout de même rappelé que les établissements avaient « toute liberté, par une modification du règlement intérieur, d’imposer une tenue scolaire si les instances éducatives le votent, comme c’est le cas en Outre-mer ».
"Imposer le port de l'uniforme à tous les élèves, c'est 'non'", affirme Pap Ndiaye (@PapNdiaye), qui ne veut "pas d… https://t.co/oxapcFxzmj
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« Cela montre bien que ce n’est pas souhaité, sinon les établissements s’en saisiraient », abonde Sylvain Maillard qui n’est pas opposé à la mesure sur le principe, mais qui se rend compte, pour l’avoir travaillée du temps de Jean-Michel Blanquer « qu’elle peut vite devenir une fausse bonne idée », surtout pour ceux qui croient qu’elle « réglerait tout ». « Cela pose beaucoup de questions pratiques : quel uniforme ? Pour quelle saison ? Qui le finance ? », ajoute le député de Paris qui entend les arguments en Outre-mer, mais qui se méfie des « recettes miracles », alors que le niveau des élèves baisse d’année en année.
J’ai dirigé un établissement, je ne me suis jamais dit que les choses iraient mieux si les élèves étaient tous habillés pareil - Olivier Klein, ministre du Logement.
C’est aussi ce que pense l’ancien maire de Clichy-sous-Bois, désormais ministre du Logement, Olivier Klein. « Je ne crois pas que l’uniforme soit un élément d’égalité ou d’équité. Si on me démontre qu’une forme d’uniforme est utile pourquoi pas, mais je n’en suis pas sûr. J’ai dirigé un établissement, je ne me suis jamais dit que les choses iraient mieux si les élèves étaient tous habillés pareil », confie-t-il en janvier au HuffPost, préférant la mesure qu’il a mise en place dans sa commune de Seine-Saint-Denis : « En revanche, qu’ils aient tous les mêmes fournitures scolaires, ça oui. Je donne les mêmes cahiers et les mêmes stylos à chaque élève de Clichy-sous-Bois, c’est gage d’égalité ».
Parmi ceux qui sont ouverts à la mesure au sein du gouvernement on trouve Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse. Elle voyait l’uniforme en 2021 comme une « certaine appartenance à un collectif » sur Sud Radio. Mais les partisans de la tenue unique au sein de la majorité se font discrets, pendant que le RN entend, lui, en bénéficier à l’Assemblée. « Nous voulons sanctuariser l’école, comme le disait François Bayrou quand il était ministre de l’Éducation nationale », exprime Franck Allisio, député RN cosignataire de la proposition de loi. « C’est quelque chose de très simple qui résout un tas de problèmes », veut-il croire, en s’élevant contre « les communautarismes et la société du fric et des marques ».
Une mesure à laquelle 63 % des Français se disaient favorables selon une enquête BVA pour Orange et RTL publiée en 2020. Pas sûr qu’elle soit de sitôt adoptée vu le contexte social et politique plus que tendu, ainsi résumé par le ministre délégué à la mer Hervé Berville : « Ce n’est ni le sujet, ni la priorité du moment. Ce débat a été rejoué des milliers de fois, il est accessoire par rapport à l’enjeu de l’égalité des chances ».
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