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Des Antilles à Paris: un cœur greffé avec succès au bout de 12h après un transport en avion suscite l'espoir

Un cœur prélevé aux Antilles et placé dans un vol à destination de Paris

Un cœur prélevé aux Antilles et placé dans un vol à destination de Paris - @TheLancet / X

Un cœur prélevé aux Antilles a voyagé de longues heures au-dessus de l'Atlantique avant d'être greffé sur un patient à Paris. Un exploit né d'une nouvelle technique qui pourrait résoudre - en partie - le problème de pénurie d'organes.

Une première porteuse d'espoirs pour les patients en attente de greffe. En janvier 2024, un cœur a été transplanté avec succès à Paris après avoir parcouru les quelque 6.700 kilomètres qui séparent les Antilles de la France.

L'organe a été préservé durant douze heures, un exploit quand on sait que les techniques actuelles ne permettent de conserver un cœur dans de bonnes conditions que pendant quatre heures au maximum.

"Contrairement à d'autres organes comme le rein, le cœur supporte très mal l'ischémie", l'arrêt de la circulation du sang, explique à BFMTV le professeur Guillaume Lebreton. Chirurgien cardiaque de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, c'est lui qui a réalisé la transplantation dans le cadre d'une étude pilote, Pegase, dont il rapporte les conclusions dans un article publié par The Lancet le 28 février.

Machine de perfusion ex-vivo

Pour permettre au cœur de traverser l'Atlantique en parfait état de conservation, l'organe a été placé dans une machine de perfusion ex vivo. De la taille d'une grosse glacière, ce concentré de technologie fabriqué par la société suédoise Xvivo "refroidit le cœur à 8°C et le perfuse en continu avec du sang et de l'oxygène", explique Guillaume Lebreton.

"Cette méthode permet d'allonger la durée de préservation des greffons cardiaques et d'améliorer les résultats de la transplantation", assure le médecin.

Prélevé sur un patient en état de mort encéphalique de 48 ans, le cœur a donc été placé dans la machine avant d'embarquer dans un vol Air France à destination de Paris. "L'organe a voyagé en cabine pour qu'on puisse surveiller le dispositif et intervenir si besoin", explique le chirurgien, qui a fait l'aller-retour entre Paris et les Antilles avec un perfusionniste.

La greffe a ensuite eu lieu à la Pitié-Salpetrière, sur un patient de 70 ans. "L'opération s'est bien passée, il va très bien", se félicite Guilllaume Lebreton.

"Des coeurs sont perdus"

Le choix d'un donneur originaire des Antilles renvoie à une problématique de fond: la pénurie d'organes. En 2023, 823 personnes en attente de greffe sont décédées et au 1er janvier 2024, 11.422 patients en liste d’attente active, donc immédiatement éligibles à une greffe d’organe, selon l'agence de biomédecine. Le taux d'opposition au don après le décès a, lui, atteint 36%, augmentant de 9% par rapport à 2023.

"Comme il n'y a pas de programme de transplantation en Martinique et en Guadeloupe, les cœurs sont perdus. Dans un contexte de pénurie d'organe, ce n'est pas acceptable", souligne Guillaume Lebreton, qui précise que l'opération s'est déroulée en coopération avec les centres hospitaliers universitaires de Fort-de-France et Pointe-à-Pitre.

"Aujourd'hui, il y a de nombreux de greffons auxquels on n'a pas accès pour des raisons de contraintes horaires. Et pas seulement aux Antilles. En métropole, il est souvent impossible de transplanter un organe à cause du temps de transports", poursuit le chirurgien.

Une plus longue conservation des organes permet aussi de pratiquer des transplantations dans des conditions plus sereines, alors qu'il est parfois nécessaire d'affréter des jets privés pour transporter un greffon dans les temps.

Avec le déploiement de cette méthode, Guillaume Lebreton envisage de rendre possible des transferts de greffons par vol commercial ou TGV. De quoi limiter les transferts en urgence qui mobilisent "une logistique extrêmement coûteuse, pas très écoresponsable et parfois même dangereuse".

Si l'essai est prometteur, il faudra encore attendre pour en connaître les résultats définitifs. Six autres patients doivent être transplantés dans le cadre de l'étude pilote PEGASE.

Caroline Dieudonné et François Blanchard