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Danemark : «Pour une fois, la succession au trône ne sera pas associée à la mort d'un souverain »

TÉMOIGNAGES - Margrethe II cède son trône à son fils, Frederik X, ce dimanche 14 janvier. Pour les Danois, la monarque a marqué l’histoire, laissant derrière elle l’image d’une monarchie plus moderne.

À Rome pour les fêtes de fin d’année, Amalie, une Danoise de 23 ans, a visionné avec attention le discours de la reine Margrethe II sur son téléphone. Même en vacances, elle ne rate «jamais» cette allocution. «C’est une grande tradition au Danemark. Tout le monde la regarde à 18h le soir du réveillon du nouvel an», explique l’étudiante en design et commerce à Copenhague. Mais cette année, le discours de la souveraine a pris une tout autre tournure. Celle qui régnait depuis 52 ans a annoncé abdiquer pour laisser sa place à son fils, Frederik. «J’ai été très surprise, personne ne s’y attendait», raconte Amalie.

Margrethe II était montée sur le trône le 14 janvier 1972, après la mort de son père Frederik IX. Elle devenait ainsi la première femme à régner «de plein droit», souligne Frédérique Harry, maître de conférences en études nordiques à la Sorbonne Université. Son aïeule, Margrethe Ire avait seulement régné comme régente de 1387 à 1412. C’est donc 52 ans plus tard jour pour jour, que Margrethe II lègue le trône à Frederik X, âgé de 55 ans, ce dimanche 14 janvier 2024.

Un événement historique qui devrait rassembler une centaine de milliers de Danois, dont Amalie, dans les rues de Copenhague. La majorité des hôtels de la capitale affichent d’ailleurs complets depuis plusieurs jours. «Nous ne pouvons pas prédire combien de personnes seront à Copenhague dimanche, mais nous nous attendons à ce qu'un très grand nombre de personnes», déclarait mardi 9 janvier Peter Dahl, le chef des services d'urgence de la police de Copenhague dans un communiqué, relayé par le quotidien danois Dagbladet Information .

Un signe de «modernité»

Alberte, une autre Danoise de 23 ans, était elle aussi surprise par l’abdication de la reine car elle «avait d’abord manifesté son intention de rester sur le trône jusqu’à sa mort». Mais l’étudiante en droit reconnaît que «la lourde intervention chirurgicale» qu’elle a subie en mars dernier était un élément précurseur. Margrethe II avait subi une opération du dos et l’a d’ailleurs évoquée dans son allocution de décembre: «L’opération a (...) donné lieu à des réflexions sur l’avenir, la question de savoir s’il était temps de transférer les responsabilités à la génération.»

Les sondages réalisés dans la foulée de son abdication révèlent que 80% des Danois soutiennent la décision de la reine. Pour Amalie et Alberte c’est même «une bonne chose». Car cette fois, la succession au trône ne sera pas associée à la «mort d’un souverain». D’autant que la reine Margrethe «conservera son titre de majesté» et pourra toujours représenter la couronne lors de cérémonies officielles, rappelle Frédérique Harry. Au Danemark, le rôle du souverain est principalement représentatif et symbolique. «Il signe les lois mais cela reste un geste plus qu’une décision réelle», indique l’experte.

Pour l'historien danois Bo Lidegaard, l'abdication est même une preuve de modernité. «La reine a conscience qu'elle est affaiblie physiquement. Et son fils est prêt et dans une meilleure position qu'elle pour reprendre l'entreprise familiale», affirme-t-il auprès de l'AFP. Frédérique Harry parle, quant à elle, d’une «décision sage» respectée par les Danois qui estiment «qu’elle a rempli sa mission».

Une reine populaire

Les Danois saluent aujourd’hui l’«intelligence» et les «qualités oratoires» de la reine. «C’est une femme réfléchie qui parvient à dire ce qu’elle pense d’une manière qui inspire le respect», déclare Marianne, une retraitée de 72 ans qui vit à Odense, la 3e ville du Danemark, à l’ouest de Copenhague. Ces qualités font d’elle un «modèle féminin pour beaucoup de femmes», souligne Kristina, une Danoise de 51 ans, directrice d’une école. «Elle peut aussi avoir un rôle un peu maternel envers nous, les Danois. Ça lui est déjà arrivé de réprimander l’ensemble de la population.» Kristina fait ici référence à l’un de ses discours en 1984 dans lequel la reine avait appelé les Danois à la tolérance et avait dénoncé leurs «remarques stupides» et leur «froideur» envers les migrants. «Nous ne pouvons pas permettre cela», avait-elle exhorté.

Amalie apprécie, elle, son engagement culturel. «Elle a par exemple traduit Simone de Beauvoir sous pseudonyme et illustré des œuvres de Tolkien», précise Frédérique Harry. Certaines de ses peintures personnelles ont même été exposées au musée Henri-Martin à Cahors, dans le Lot, le 15 juillet 2022. «Sa personnalité extraordinaire se reflète aussi à travers son style vestimentaire particulier», très coloré, poursuit la chercheur.

Proximité et sobriété

La royauté danoise est bien moins extravagante que la monarchie britannique. La cérémonie de ce dimanche en témoigne : à 14h, la reine va signer le document qui acte son abdication lors d’un Conseil d’État. À 15h, Frederik X saluera la foule au balcon du château de Christiansborg. Puis, à 17h, les drapeaux seront transférés du palais de Christian IX où réside Margrethe II au palais Frederik VIII à Amalienborg, où vivent Frederik X et sa femme. «Ce sont des actes anodins. Il n’y a pas de grandes festivités, commente Frédérique Harry. Cette sobriété participe à l’image de proximité que la famille royale entretient.»

Et le prince ?

Alors, que pensent les Danois de leur nouveau roi Frederik X ? Pour Kristina, «le prince a passé 50 ans de sa vie à se préparer à ce moment, il est prêt». Son jeune âge pour une accession au trône est bien vu par la population. «Le roi Charles II est déjà trop vieux», s’amuse Marianne avec une note de fierté dans la voix. Son couple royal avec l’Australienne Mary Donaldson est très admiré. «C’est une femme fantastique», juge Kristina. Des commentaires qui sont loin de prendre en compte les rumeurs d’adultère du nouveau roi.

La formation et les différentes expériences de Frederik X participent aussi à sa popularité. «Il a reçu une formation de général de division dans l'armée de l'air et c'est un homme intellectuel qui parle quatre langues différentes», félicite Amalie. Alberte affectionne, de son côté, ses actions caritatives comme sa participation, chaque année, au «Royal Run», une course très populaire au Danemark. L’étudiante de 23 ans se souvient également de la fois où «Frederik est monté sur scène lors du festival de Roskilde», mondialement connu. Comme la reine, lui aussi «semble être un homme du peuple», glisse-t-elle.

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9 commentaires
  • Arres

    le

    La reine du Danemark a été plus raisonnable que celle d’Angleterre. Elle ne s’est pas accrochée à ses privilèges, aux honneurs et au pouvoir comme l’a fait Élisabeth II, privant ainsi son fils d’une bonne dizaine d’années où il aurait apporté au royaume bien plus que sa mère qui ne faisait plus que de la figuration.

  • josboc

    le

    Il parle 4 langues différentes. Sauveè, il aurait pu parler 4 langues identiques.

  • anonyme

    le

    Excellent article. Le Danemark montre une fois de plus l’exemple en ayant une cérémonie de couronnement à l’image du pays, c’est-à-dire humble et « Hygge ».

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