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SCIENCES

Comment l'image historique de l'énorme trou noir de notre galaxie a pu être capturée

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Écrit par Alexandra Milhat
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Cette photographie du trou noir supermassif, situé au centre de notre Voie lactée, est une première.

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Il est 4 millions de fois plus massif que notre Soleil. Ce jeudi 12 mai, l'annonce tant attendue des scientifiques a enfin été révélée au public, lors d'une conférence de presse retransmise en direct. Pour la première fois, des images d'un trou noir géant, appartenant à notre galaxie, la Voie lactée, ont pu être capturées. Elles auront nécessité le travail de 300 chercheurs appartenant à 80 institutions, ainsi que l'intervention de huit radiotélescopes différents à travers le monde.

En effet, les trous noirs n'émettent pas de lumière. L'image montre l'ombre du trou noir entourée d'un anneau brillant, déformé par la gravité de ce trou noir supermassif, dénommé Sagittarius A* (Sgr A*).

"Pendant des décennies, les astronomes se sont demandé ce qui se trouve au cœur de notre galaxie, entraînant les étoiles sur des orbites étroites, grâce à son immense gravité", a déclaré Michael Johnson, astrophysicien au Center for Astrophysics | Harvard & Smithsonian, dans un communiqué.

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Il ajoute : "Avec l'image de l'Event Horizon Telescope, nous avons zoomé mille fois plus près que ces orbites, où la gravité devient un million de fois plus forte. À cette distance rapprochée, le trou noir accélère la matière à une vitesse proche de la vitesse de la lumière et courbe les trajectoires des photons dans l'espace-temps déformé."

Un réseau mondial de radiotélescopes, qui fonctionne grâce à l'interférométrie

L'Event Horizon Telescope (EHT) est un réseau mondial de radiotélescopes très puissants. Seth Fletcher, journaliste à la revue Scientific American, et auteur d'un livre sur l'EHT, détaille :

"Les trous noirs sont techniquement invisibles. Ils piègent tout ce qui tombe à l'intérieur, y compris la lumière. (...) Mais les trous noirs super massifs, comme le Sgr A*, sont entourés de matière incandescente effacée, qui orbite autour du trou noir. (...) Dans la radioastronomie, il existe une technique appelée interférométrie, qui permet de combiner plusieurs paraboles très éloignées les unes des autres en un seul télescope virtuel efficace".
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Ainsi, grâce à l'interférométrie, les ondes électromagnétiques se superposent, provoquant le phénomène d'interférence, afin d'extraire des informations. Seth Fletcher explique pourquoi il s'agit de la plus haute résolution de toute l'astronomie :

"Chaque année, il n'existe qu'une période de temps très limitée durant laquelle les télescopes en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Antarctique peuvent tous voir les mêmes choses dans le ciel. Des horaires élaborés ont été mis en place, indiquant quand le Sagittarius A*, par exemple, sera à l'horizon et visible par quels télescopes. Ces derniers se contentent ensuite de scanner des trous noirs pendant plusieurs nuits. Puis, ils prennent toutes les données des disques durs, envoyées vers deux énormes banques d'ordinateurs, une dans le Massachusetts, une en Allemagne. Le tout est corrélé en un seul ensemble de données".

Le défi de capturer une image impossible

Concrètement, les chercheurs du California Institute of Technology indiquent que la prise de cette photographie pourrait être comparée à celle "d'un grain de sel à New-York, capturé par un appareil photo depuis Los Angeles".

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Pour mieux comprendre la taille de ce trou noir depuis la perspective de la Terre, l'équipe de scientifiques estime que cela reviendrait à essayer de "repérer un beignet sur la Lune".

Les chercheurs qui ont travaillé sur ce projet ont dû développer de nouveaux outils pour immortaliser le mouvement extrêmement rapide du gaz autour de Sagittarius A*. "Cette image de l'EHT a nécessité plus qu'une simple prise de vue, à partir de télescopes situés au sommet de hautes montagnes. Elle est le produit à la fois d'observations techniquement difficiles et d'algorithmes de calcul innovants", a déclaré Katherine Bouman, chercheuse et professeure en mathématiques et astronomie, lors de la conférence de presse.

En outre, le gaz à proximité de ce trou noir se déplace à la même vitesse, presque aussi rapidement que celle de la lumière. Contrairement au trou noir M87, dont l'image avait pu être prise en 2019, et situé dans la galaxie Messier 87, la luminosité et le gaz changent rapidement autour de Sgr A*. "C'est un peu comme essayer de prendre une photo nette d'un chiot qui court rapidement après sa queue", explique l'un des scientifiques.

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Cette photographie confirme la théorie de la relativité d'Einstein

Sagittarius A* est situé à environ 27.000 années lumières de la Terre. "Nous avons été stupéfaits de voir à quel point la taille de l'anneau correspondait aux prédictions de la théorie de la relativité d'Einstein", a déclaré Geoffrey Bower, scientifique du projet EHT, dans un communiqué.

"Ces observations sans précédent ont considérablement amélioré notre compréhension de ce qui se passe au centre même de notre galaxie. Elles offrent de nouvelles informations sur la façon dont ces trous noirs géants interagissent avec leur environnement", ajoute-t-il.

Cinq ans auront été nécessaires aux astronomes pour pouvoir capturer cette image et l'analyser. Grâce à celle-ci, ils ont pu déterminer que ce trou noir avale le gaz et la lumière à proximité, les entraînant dans un puits sans fond.

Désormais, les scientifiques vont pouvoir comparer les clichés de Sgr A* et de M87 pour mieux comprendre le comportement du gaz autour de ces trous noirs supermassifs. "Ce processus n'est pas encore entièrement compris, mais on pense qu'il joue un rôle clé dans la formation et l'évolution des galaxies", est-il écrit dans un communiqué de l'EHT.

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