Modifier artificiellement la météo, faire tomber la pluie et répondre ainsi aux besoins de sa population et de son économie : telle est l’ambition affichée par l’Agence météorologique chinoise, qui a lancé son premier plan national en ce sens fin 2019. La presse étrangère s’en est émue, pas les Chinois, tant le « ren gong zeng yu », ou le renforcement artificiel des précipitations, était déjà une pratique courante dans le pays.
La technique employée consiste à ensemencer les nuages afin de provoquer les précipitations avec l’injection de particules de sel ou d’iodure d’argent par avion, roquette ou appareil diffusant la fumée depuis le sol. Cela fait plus d’un siècle que les scientifiques étudient les dispositifs de modification météorologique et la Chine se positionne aujourd’hui comme le leader mondial de cette pratique. Historiquement, les ressources en eau sont très inégalement réparties dans le pays – la moitié nord en dispose de moins de 20 %. Mais, avec la pression du réchauffement climatique, même les provinces du Sud ont gravement souffert de la sécheresse de 2022.
Chaque ville chinoise dispose d’un plan local d’ensemencement des nuages, dont la mise en œuvre est assurée par les fonctionnaires et chercheurs, en coopération avec les militaires. Entre juin et novembre 2022, l’ensemencement effectué par 241 vols d’avion et 15 000 lancements de roquettes aurait provoqué « 8,56 milliards de tonnes de pluies supplémentaires » dans le bassin du fleuve Yangtze, d’après Le Quotidien du Peuple.
« Intervenir de façon chirurgicale »
Mais la Chine est loin d’être la seule à vouloir exploiter les nuages à son avantage. Etats-Unis, Emirats arabes unis, Russie, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Thaïlande, Mexique… Plusieurs pays ont des programmes visant différents objectifs : diminuer l’impact de la sécheresse sur les activités agricoles, sécuriser l’approvisionnement en eau potable, lutter contre les feux de forêt, conserver et restaurer les écosystèmes… En France, l’ensemencement des nuages est réalisé dans une vingtaine de départements par l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques et l’entreprise Selerys. Le but est de prévenir des dégâts potentiels dus à la chute de grêlons dans les champs agricoles au printemps et en été.
L’atmosphère terrestre contient 13 000 kilomètres cubes d’eau sous forme de vapeur. Cette réserve de taille se renouvelle entre huit et neuf fois par an grâce aux phénomènes naturels qui constituent le cycle de l’eau : l’évaporation du sol et de l’océan, la transpiration des végétaux, les précipitations… Pour former la pluie et la neige, la présence abondante de noyaux de condensation dans l’atmosphère est cruciale. Produites par les volcans, les océans ou le sol et transportées par le vent, ces minuscules particules permettent aux molécules d’eau de devenir des gouttelettes, et à l’eau surfondue – qui reste liquide malgré une température au-dessous du point de congélation – de se transformer en glace. Ces processus physiques ont inspiré la technique d’ensemencement des nuages.
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