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Pourquoi Elisabeth Borne peut utiliser le 49.3 pour la loi de programmation des finances publiques

L’inscription de ce projet de loi en session extraordinaire à l’Assemblée nationale permet au gouvernement de réserver ce joker pour des textes ultérieurs, comme le sensible projet de loi sur l’immigration.

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Publié le 27 septembre 2023 à 18h30, modifié le 27 septembre 2023 à 20h06

Temps de Lecture 3 min.

La première ministre, Elisabeth Borne, à Matignon (Paris), le 27 septembre 2023.

Deux jours après la rentrée des députés, l’ombre du 49.3 plane déjà au Palais-Bourbon. Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) est examiné, mercredi 27 septembre, à l’Assemblée nationale. Rejeté en première lecture il y a un an, le texte pourrait, cette fois, être adopté sans passer par un vote, car le gouvernement n’a pas caché sa volonté de recourir à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution s’il ne parvient pas à trouver une majorité.

L’exécutif l’a martelé : cette loi, qui fixe la trajectoire budgétaire du pays de 2023 à 2027 et prévoit de faire baisser le déficit public sous l’objectif européen des 3 % (2,7 % du PIB en 2027), doit être impérativement votée. « Ce texte est fondamental pour la crédibilité budgétaire de la nation française », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le 25 septembre devant la commission des finances de l’Assemblée. En cas de rejet, a-t-il averti, « nous devrons faire la croix sur 18 milliards d’euros d’aides qui sont nécessaires pour nos finances publiques ».

Alors, comment le gouvernement compte-t-il recourir à l’article 49.3 tout en se ménageant la possibilité de l’utiliser ultérieurement pour d’autres textes ? L’adoption d’un texte sans vote ne peut être qu’unique à chaque session parlementaire, depuis la révision constitutionnelle de 2008.

Une loi ordinaire

Pour les textes budgétaires, le recours au 49.3 n’est pas restreint. Ainsi, pour voter les projets de loi de finances, de financement de la Sécurité sociale ou les budgets rectificatifs, le gouvernement peut l’invoquer autant de fois qu’il le souhaite. Cela explique que la première ministre, Elisabeth Borne, y a fait appel à onze reprises, en particulier pour réformer les retraites :

  • projet de loi de finances pour 2023 (cinq fois) ;
  • projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (cinq fois) ;
  • projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023 (une fois).

Les lois de programmation des finances publiques n’entrent pas dans ce cas de figure et sont considérées comme des lois ordinaires. « Dans la révision de 2008 a été faite une exception pour les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, mais pas pour les lois de programmation, car à l’époque elles n’avaient pas l’importance qu’elles ont aujourd’hui, explique Emilien Quinart, maître de conférences en droit public à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Elles n’ont pris davantage d’importance qu’à partir de 2012, au moment où il a fallu tirer les conséquences de la crise des dettes publiques au sein de la zone euro. »

La parade de la session extraordinaire

Pour faire adopter cette LPFP si importante aux yeux de la majorité, et sans prendre le risque de ne pas obtenir de compromis dans l’Hémicycle, le gouvernement veut donc passer en force. Pour ce faire, il a eu recours à un stratagème pour contourner l’examen en session ordinaire : la session extraordinaire.

Grâce à un décret pris le 11 septembre par le président de la République, les députés ont effectué une rentrée anticipée le 25 septembre, soit une semaine plus tôt que prévu (la session ordinaire s’ouvrira le 2 octobre). Parmi les projets de loi à l’ordre du jour figure le projet de LPFP. « Personne n’est dupe, réagit Stéphanie Damarey, professeure agrégée en droit public à l’université de Lille-II. En jouant cette carte, on a bien compris que faire passer cette loi dans le cadre d’une session extraordinaire c’est la possibilité d’utiliser le 49.3, et Elisabeth Borne ne devrait vraisemblablement pas s’en priver. »

La convocation de cette session extraordinaire présente surtout l’avantage suivant pour le gouvernement : en utilisant le 49.3 sur la LPFP lors de cette session extraordinaire, l’exécutif se ménage la possibilité d’y avoir recours pour un autre texte lors de la session ordinaire du Parlement, qui débutera en octobre. En d’autres termes, l’exécutif réserve son joker pour un futur usage. Et ce, alors que plusieurs textes font déjà l’objet d’intenses débats, tel que le projet de loi immigration, autour duquel le gouvernement ne parvient pas à trouver de compromis avec l’opposition.

Le Conseil constitutionnel pour arbitre final

Reste un dernier point juridique que pourrait mettre en avant le groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale pour faire échouer le stratagème gouvernemental, selon le site Politico. Comme la session extraordinaire prendra fin d’ici quelques jours et que le texte suivra son parcours législatif avant de revenir à l’Assemblée en session ordinaire, « le groupe LR mise sur le fait que le gouvernement sera contraint de dégainer un nouveau 49.3 et de griller sa fameuse cartouche en session ordinaire ».

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Rien, pourtant, n’est si sûr. La question n’est pas tout à fait tranchée en droit, assurent les deux juristes interrogés. « Ce scénario n’est pas prévu par les textes, donc on ne sait pas, si ce n’est que l’arbitre final sera le Conseil constitutionnel », relève Stéphanie Damarey.

« Au regard de tout ce qu’il a jugé ces derniers mois, le Conseil constitutionnel a validé les usages du 49.3 par le gouvernement, y compris le véhicule d’un projet de loi rectificatif de la Sécurité sociale pour réformer les retraites », note Emilien Quinart. Et le professeur de droit public d’émettre une hypothèse : « Les sages ont été très souples avec les pratiques constitutionnelles un peu brutales du gouvernement, donc il y a peu de chances qu’ils considèrent qu’utiliser le 49.3 à cheval entre deux sessions soit contraire à la Constitution. »

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