PRIX NOBEL - Parmi les 351 candidatures enregistrées cette année, le Comité Nobel norvégien a fini par trancher. Et contrairement à la rumeur insistante qui prédisait une édition sans lauréat, le prix Nobel de la paix a finalement été décerné à la militante iranienne Narges Mohammadi ce vendredi 6 octobre.
Une décision logique, mais qui tord le cou aux nombreux pronostics qui voyait cette année encore Volodymyr Zelensky décrocher cette haute distinction après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Mais en 2023, le comité Nobel a plutôt souhaité s’attarder sur la lutte de cette militante emprisonnée à Téhéran depuis près d’un an. Le comité a tenu à mettre en valeur « son combat contre l’oppression des femmes en Iran et son combat pour les droits humains et la liberté pour tous », comme l’a fait savoir Berit Reiss-Andersen, la présidente du comité Nobel norvégien.
« La devise adoptée par les manifestants ’Femme – Vie – Liberté’ exprime à merveille le dévouement et le travail de Narges Mohammadi », a également ajouté le comité du prix Nobel de la paix.
Actuellement en prison, la lauréate avait quand même préparé un message, dicté à sa sœur depuis sa cellule au cas où elle recevrait le prix ce vendredi. Voici le contenu de son message dévoilé par Libération :
« Je n’arrêterai jamais de lutter pour l’instauration de la démocratie, de la liberté et de l’égalité. Il est certain que le prix Nobel de la paix va me rendre plus résistante, plus déterminée, plus optimiste et plus enthousiaste sur cette voie, et il va accélérer mon pas. Je resterai en Iran, je continuerai ma lutte civique pour les opprimés et contre nos institutions répressives, même si je dois passer le reste de ma vie en prison. Aux côtés de toutes les mères courageuses d’Iran, je continuerai à me battre contre les incessantes discriminations, tyrannies et oppressions sexistes par ce gouvernement religieux répressif jusqu’à la libération des femmes ».
Un combat de tous les instants, même en prison
Militante et journaliste de 51 ans, Narges Mohammadi a consacré sa vie à la défense des droits humains en Iran, quitte à passer de nombreuses années de sa vie derrière les barreaux, loin de sa famille. Fervente ambassadrice des femmes, elle milite avec force contre le port du voile obligatoire et la peine de mort. Elle dénonce aussi les abus sexuels en détention, un sujet qu’elle connaît et documente d’ailleurs depuis sa cellule de la tristement célèbre prison d’Evin, où elle a été réincarcérée il y a plus d’un an.
Sa lutte a été rendue encore plus visible depuis le décès de la jeune Mahsa Amini en septembre 2022, arrêtée et tuée par la police des mœurs iranienne pour ne pas avoir porté correctement le voile. Ce drame avait déclenché une vague de manifestation et de contestation inédite dans le pays.
Arrêtée treize fois par le régime iranien, elle a été reconnue coupable cinq fois et condamnée à un total de 31 ans de prison (et 154 coups de fouet) et elle doit encore être jugée prochainement pour de nouveaux chefs d’inculpation. Entre mai 2015 et octobre 2020, la militante a notamment été emprisonnée pour avoir « formé et dirigé un groupe illégal » (Legam), appelant à l’abolition de la peine capitale.
En son absence, c’est la famille de la militante qui a donc pris la parole ce vendredi, qualifiant cette récompense de « moment historique pour le combat pour la liberté en Iran ». La famille de Narges Mohammadi a également tenu à dédier ce prix « à l’ensemble des Iraniens et en particulier aux femmes et aux filles iraniennes qui ont inspiré le monde entier par leur courage et leur combat pour la liberté et l’égalité ».
L’ONU a également salué cette distinction mettant à l’honneur « le courage et la détermination des femmes iraniennes » et a profité de cette occasion pour demander sa libération au plus vite.
Emmanuel Macron a pour sa part salué, à l’issue d’un sommet européen informel à Grenade, un « choix très fort pour une combattante de la liberté ».
La lutte contre le réchauffement climatique encore boudée
Ces dernières semaines, son nom était très souvent revenu parmi les favoris pour l’année 2023, au même titre que celui de l’Afghane Mahbouba Seraj. Parmi les autres favoris évoqués pour 2023, on retrouvait notamment plusieurs entités internationales qui enquêtent sur les crimes de guerre en Ukraine et dans le monde, comme la Cour internationale de justice (CIJ) ou la Cour pénale internationale (CPI).
Le nom du patron portugais de l’ONU Antonio Guterres est également revenu avec insistance, tout comme la lutte contre le réchauffement climatique, généralement boudée (à une exception près).
L’an passé, le prix Nobel de la paix avait été remis à trois lauréats : l’opposant biélorusse Ales Bialiatski, et deux ONG de défense des droits humain, la russe Memorial et l’ukrainienne Center for Civil liberties.
Cette dernière récompense vient donc clore la saison des prix Nobel. Enfin presque. Lundi 9 octobre, l’Académie royale des sciences de Suède devra encore annoncer le Nobel d’économie, seule récompense des Nobel qui n’avait pas été imaginée par Alfred Nobel dans son testament.
Lla liste complète des prix Nobel décernés en 2023 :
- Le Nobel de médecine récompense des travaux sur les vaccins à ARN messager
- Deux Français et un Hongrois se partagent le Nobel de physique
- Le Nobel de chimie 2023 à trois chercheurs pour la découverte des points quantiques
- Le Nobel de littérature pour l’écrivain norvégien Jon Fosse
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