Le président Emmanuel Macron à l'Elysée, le 7 mai 2022

Le président Emmanuel Macron à l'Elysée, le 7 mai 2022

afp.com/GONZALO FUENTES

Il y a quelques semaines, un fidèle d'Emmanuel Macron lui a glissé cette remarque : "Le parti a cherché une circonscription pour Jean-Marie Blanquer sans école et sans musulman, mais il n'a pas trouvé !" Cela fait du bien de rire parfois, et le président a rigolé. Mais au-delà de la boutade, il y avait autre chose : Jean-Michel Blanquer était devenu le symbole du divorce avec les professeurs et aussi celui du grand malentendu entre la Macronie, en tout cas une partie d'entre elle, et les musulmans, en tout cas une partie d'entre eux, à cause du débat autour de la laïcité. En partant, Jean Castex confiait un regret qui n'est pas sans rapport : il était bien obligé de constater que la loi sur le séparatisme avait provoqué une forme de désarroi dans la société et avait été utilisée pour monter des Français de religion musulmane contre le pouvoir.

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La nomination de Pap Ndiaye au ministère de l'Education constitue une surprise au-delà même de la personnalité du nouveau titulaire, parce qu'elle interroge sur la cohérence du président, souvent accusé de multiplier les tête-à-queue idéologiques. Il suffit d'entendre dans la même phrase Jean-Luc Mélenchon saluer l'arrivée d'un "grand intellectuel", Pap Ndiaye, juste après avoir lancé : "Bon débarras Blanquer !" pour mesurer l'ampleur du changement rue de Grenelle. La rupture.

Education et justice : deux symboles

Au-delà de la confusion, ce choix est aussi un risque : un intellectuel ne sait pas toujours comment gérer un mammouth. On se souvient du précédent de Luc Ferry, en 2002, qui eut bien du mal à imposer ses réformes au ministère de l'Education nationale. Le Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, écrira même plus tard (Je marcherai toujours à l'affectif, Flammarion): "Habitué à être écouté, Ferry s'irrite que Chirac ne soit pas pendu à ses lèvres quand il intervient au Conseil des ministres."

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Il arrive à Emmanuel Macron de montrer la souplesse de sa colonne vertébrale, il lui arrive aussi de faire des bras d'honneur en réponse à des bras de fer. Pour preuve, sa décision de maintenir Eric Dupond-Moretti. Le 10 mai, le ministère public de la Cour de justice de la République (CJR) a annoncé avoir requis son renvoi devant la Cour de l'actuel garde des Sceaux - il est mis en examen pour "prise illégale d'intérêts". L'ancien avocat est soupçonné d'avoir profité de sa fonction gouvernementale pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir quand il était conseil dans deux dossiers, ce qu'il nie. Un très proche du chef de l'Etat livrait une grille de lecture qui se trouve validée par les faits, faisant du choix du garde des Sceaux une question de principe : "Les magistrats soit on leur donne raison, soit on leur donne tort. Ce n'est pas à eux de nommer les ministres !"

Education, justice : ce sont bien deux symboles qu'a voulu envoyer le chef de l'Etat par cette nomination et cette confirmation, qui compteront plus dans un premier temps que les actes. Après le délai de la réflexion pour la constitution du gouvernement, vient immédiatement le temps de la digestion : les nouveaux ministres seront tenus dès lundi à une réserve provoquée par la campagne des élections législatives.

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