Joe Biden en Irlande du Nord pour célébrer les 25 ans d'une paix fragile
La levée du désaccord entre Londres et Bruxelles sur le protocole nord-irlandais a ouvert la voie aux célébrations des 25 ans de l'accord du Vendredi saint. Dans un contexte toujours fragile.
Jusqu'aux toutes dernières semaines, la visite était restée incertaine. Joe Biden se rendra bien en Irlande à partir de ce mardi, d'abord à Belfast puis à Dublin, pour célébrer les 25 ans de l'accord du Vendredi saint, qui a mis fin à trente ans de violences entre catholiques et protestants en Irlande du Nord.
Le président américain y sera accueilli par le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, dans un contexte de sécurité hautement renforcé. Pas plus tard que vendredi, la police nord-irlandaise a alerté sur le risque d'une attaque de la part de groupes paramilitaires républicains dissidents. Cette annonce fait suite au rehaussement d'un cran du niveau d'alerte terroriste, après une tentative de meurtre sur un officier de police, alors qu'il entraînait des enfants au football dans la ville d'Omagh.
Cette visite prend toute sa symbolique lorsqu'on connaît le poids de la communauté américano-irlandaise , dont fait partie Joe Biden, et le rôle joué par l'administration Clinton dans le processus de paix. Des décennies après les vagues d'immigration irlandaise, cette communauté s'implique encore dans la vie politique de l'île, ne serait-ce que par les dons américains au Sinn Fein, le parti qui milite pour la réunification de l'île.
Levée du blocage
Joe Biden marchera dans les pas de Barack Obama qui, il y a tout juste dix ans, s'était rendu à Belfast pour célébrer quinze ans de paix. Jusqu'au dernier moment, la visite de l'actuel président est restée suspendue à l'issue des discussions entre Londres et Bruxelles sur le protocole nord-irlandais. Le gouvernement britannique et la Commission européenne ont fini par s'entendre en février sur un nouveau cadre douanier post-Brexit pour l'Irlande du Nord, adopté depuis à une très large majorité à la Chambre des communes.
La levée de ce point de blocage entre Britanniques et Européens ouvre la voie à des célébrations plus sereines, après des années où le Brexit a accentué les divisions entre Républicains, majoritairement partisans d'un maintien dans l'UE, et Unionistes, souvent favorables au Brexit.
Pour autant, toutes les difficultés ne sont pas levées. Et l'Irlande du Nord est toujours dans l'attente d'un gouvernement depuis les dernières élections de mai 2022. Après la victoire historique du Sinn Fein, les unionistes du DUP ont refusé de former une coalition comme le voudrait le principe du partage des pouvoirs inscrit dans l'accord du Vendredi saint.
Limites du processus de paix
Pour les Nord-Irlandais, l'absence de gouvernement reste une frustration majeure, et le signe des limites du processus de paix. « L'Assemblée de Stormont a siégé seulement 50 % du temps. S'il n'y a pas de confiance dans les institutions, la violence risque de s'exprimer dans la rue », analyse Jonny Byrne, professeur de criminologie à l'Ulster University.
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Les divisions demeurent dans cette société nord-irlandaise qui a traversé trente ans de violences entre 1969 et 1998. Certains quartiers de Belfast sont toujours fragmentés par des murs. La très grande majorité des enfants vont encore dans des écoles catholiques ou protestantes. Même si l'IRA a déposé les armes, des groupes paramilitaires sont toujours actifs. C'est ce qui fait dire à Jonny Byrne que la paix reste « précaire » : « Bien sûr, les gens comparent la situation actuelle avec celle d'il y a vingt-cinq ans et disent que les choses vont mieux. Mais nous avons manqué des opportunités depuis 1998. »
Preuve que la page est loin d'être tournée, un projet de loi du gouvernement britannique visant à amnistier les crimes commis pendant les « Troubles » suscite une vive controverse, venue en particulier des victimes en quête de vérité. Paddy Harte, président de l'International Fund for Ireland, préfère souligner la principale avancée de l'accord de Belfast : la fin des violences dans la rue. « C'était le début d'un processus. Ces accords n'ont pas créé la paix en soi, mais ont posé les circonstances de la paix », dit-il.
Ingrid Feuerstein (Correspondante à Londres)