Epreuve de philosophie du baccalauréat, à Paris, le 14 juin 2023.
Live terminé

Bac de philo : retrouvez les corrigés des sujets à la sortie de l’épreuve

Après les épreuves de spécialité en mars, les élèves de terminales générales et technologiques ont passé mercredi l’épreuve de philosophie, avant les deux semaines de grand oral qui débutent le 19 juin. Evelyne Oléon, enseignante en philosophie, propose des problématiques et nos journalistes répondent à vos questions.

Tout le live

Le 14/06 à 13:58

Bac 2023 : les sujets et corrigés de l’épreuve de philosophie

Ce live est désormais terminé.

Retrouvez les sujets et les corrigés de l’épreuve de philosophie de la voie générale :
- Dissertation : « Le bonheur est-il affaire de raison ?  » - le corrigé

- Dissertation : « Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? » - le corrigé

- Explication de texte : extrait de La Pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss - le corrigé

Pour la voie technologique :

- Dissertation : « L’art nous apprend-il quelque chose ?  »

- Dissertation : « Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ? »

- Explication de texte : extrait de Théorie des sentiments moraux d’Adam Smith.

On se retrouve demain, jeudi 15 juin, pour un live sur l’épreuve anticipée de français.

Le 14/06 à 12:56 Analyse

La proposition de réflexion d’Evelyne Oléon sur le texte de Claude Levi-Strauss

Comment se manifeste l’ingéniosité technique ? Si la technologie désigne le savoir appliqué de l’ingénieur qui se sert de la science pour modifier le réel, l’habileté du bricoleur est d’une autre nature.

Dans cet extrait de la Pensée sauvage, Levi-Strauss met en évidence ce qui distingue la pratique du bricoleur de celle de l’ingénieur. Il analyse non seulement les aptitudes spécifiques du bricoleur, son mode opératoire, mais surtout la spécificité des instruments dont il se sert, qui ne sont pas des instruments pensés et produits en vue d’un projet défini au préalable, comme c’est le cas pour l’ingénieur, mais des objets hétéroclites, objets de récupérations qu’il trouve dans son stock disponible et qu’il va réutiliser en les adaptant aux nouveaux contextes : ce sont des instruments demi-particularisés, dit Levi-Strauss.

A partir de cette analyse de la pratique du bricolage et de la spécificité des objets du bricoleur, il faudra s’interroger sur la valeur de cette activité, la pauvreté relative des matériaux du bricoleur fait-elle de celui-ci un ingénieur raté ?

Pour caractériser le bricoleur et le distinguer de l’ingénieur, deux paramètres peuvent être envisagés. Le premier concerne les modalités du savoir-faire, le second les outils utilisés. Le bricoleur, amateur au double sens du terme, procède par tâtonnements et approximations empiriques. Son savoir-faire ne repose pas sur une science a priori, un savoir prédéterminé, et c’est pourquoi le bricolage est souvent appréhendé à partir du manque ou du défaut, manque de précision et d’efficacité, défaut de méthode.

En termes platoniciens la pratique du bricoleur serait une routine mécanique mais non un art véritable, un art de spécialiste. Lévi-Strauss s’applique, lui, au contraire à envisager les pratiques du point de vue de la différence, et non du défaut. Lévi-Strauss ne s’intéresse guère au problème de la compétence, si ce n’est pour souligner la polyvalence de ce « touche-à-tout », autodidacte qui résiste à la division des tâches. « Il est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ».

L’auteur déplace immédiatement l’analyse sur le second paramètre, celui qui porte sur l’univers instrumental du bricoleur. Pas plus qu’il ne met l’accent sur la compétence de l’individu, Lévi-Strauss ne le met sur la performance des outils ; le caractère plus ou moins performant de l’instrument n’étant qu’une conséquence, contingente d’ailleurs, de l’instrumentalité de l’objet. C’est le devenir instrument qui diverge dans les deux pratiques. Les instruments de l’ingénieur sont construits sur mesure, selon son projet du moment, ils sont déterminés a priori, et pour cette raison parfaitement ajustés au projet et certainement performants. Les instruments de l’ingénieur comme les objets de la science sont, pour reprendre l’expression de Bachelard « des théories matérialisées ». Les instruments de l’ingénieur renouvelés selon les projets constituent un ensemble théoriquement infini. Ceux du bricoleur, en revanche, ne sont pas construits, ils sont déjà là, en attente dans l’atelier. Le bricoleur se donne pour règle – règle du jeu, car en dépit de son caractère utilitaire, Lévi-Strauss envisagera le bricolage sous la catégorie du jeu – de faire avec ce qu’il trouve dans son stock : objets, matières, outils qui ont déjà servi, rebuts conservés au lieu d’être jetés. Le bricolage tel que l’envisage Lévi-Strauss est, bien évidemment, à l’opposé du hobby, de l’ajustement des kits vendus dans la société de gaspillage. Les instruments du bricoleur sont déjà là, antérieurs au projet de construction ou de réparation ; leur présence est pure contingence, fruit des événements et occasions passées. Le stock des instruments est donc déjà constitué « son univers instrumental est clos », c’est un ensemble fini, contrairement à celui de l’ingénieur. C’est pourquoi tout n’est pas possible à partir du stock donné, car matières et objets recyclés, même s’ils sont détournés et ouverts aux possibles, constituent des éléments « précontraints » qui limitent la liberté de manœuvre. Les éléments du bricoleur sont « demi-particularisés » dit Lévi-Strauss ; ils sont transposables, adaptables, dotés d’une polyvalence virtuelle et d’une flexibilité fonctionnelle sans pour autant permettre de tout faire, car conservant dans leur matérialité même les marques de leurs usages précédents.

On voit donc la différence entre les objets dont se sert le bricoleur et les instruments précis de l’ingénieur. Les matériaux de l’ingénieur sont à la fois un atout et une limite. Ils permettent au bricoleur d’épargner sur l’équipement, de faire beaucoup avec peu et rendent possibles son statut de touche-à-tout, il n’a pas besoin « de tous les corps d’état ». Mais il ne dispose pas sans doute des outils les plus performants, astreints à un emploi précis et déterminé. La dernière phrase met en valeur l’originalité des objets du bricoleur et de la pratique du bricolage entre le concret et le virtuel. Le bricoleur conserve, recycle les matières et en même temps produit du possible, de l’imaginaire. Le bricolage tient en cela de la technique, mais aussi de l’art, du pragmatique et de l’imaginaire. L’objet détourné qui acquiert de nouvelles fonctionnalités est pensé comme un opérateur. Le cube de chêne pourra devenir cale ou socle. Cette fonctionnalité nouvelle est tout autant le fruit du désir et de l’ingéniosité que de l’attention aux matières, aux éléments et aux relations de l’ensemble.

Le bricoleur tient, pour Lévi-Strauss, du technicien et de l’artiste. Son ingéniosité est créatrice. La polyvalence de ses outils constitue un acte de résistance à la société de gaspillage.

Evelyne Oléon
Le 14/06 à 12:29 Sur le terrain

« C’est bon, tu l’auras même avec un 5 »

Dans la cour d’honneur du lycée Voltaire, l’heure est déjà aux comptes alors que l’épreuve vient tout juste de se terminer. Si certains élèves ont fait du mieux qu’ils ont pu, la plupart ont minimisé l’importance de l’épreuve de philosophie, dont la réussite n’était pas nécessaire pour décrocher leur bac. « C’est bon tu l’auras même avec un 5 », « si j’avais su je serais parti au bout d’une heure », « on s’en fout de la philosophie », entend-on parmi les groupes de lycéens. Quand on les interroge sur la réussite de l’épreuve, ils répondent sans grande conviction. Anna s’est ainsi « amusée, transformant le sujet à sa façon ». « C’est peut-être un peu hors sujet, mais ce n’est de toute façon pas grave parce que je sais que j’ai déjà mon bac. » La réforme du baccalauréat semble avoir définitivement relégué la philosophie au second rang, derrière les épreuves de spécialité et le grand oral. Ce que regrette Audrey Provos, professeure d’histoire-géographie qui a surveillé l’épreuve aujourd’hui. « Ça manque de solennité, on a eu beaucoup de retards, ils arrivent en short », déplore-t-elle.

Malgré l’absence d’enjeux véritables, certains lycéens ont tout de même cherché à donner le meilleur d’eux-mêmes. « Je l’ai fait par rapport à mon professeur qui a essayé de nous faire apprendre et de nous motiver toute l’année », déclare Noémie, 18 ans, au moment où passe son professeur.

Apolline Convain
Le 14/06 à 12:17 Analyse

Problématisation des sujets de philosophie

Voici la problématisation du sujet « Le bonheur est-il affaire de raison ? »

Le bonheur représente une aspiration essentielle de l’homme. Qu’on le définisse comme la satisfaction durable et complète de nos aspirations – contrairement au plaisir éphémère – ou encore comme le sentiment de paix de l’âme – l’ataraxie des grecs – on ne peut que reconnaître en lui l’une des aspirations fondamentales de l’existence humaine. Il représente le Bien suprême, nous dit Aristote. Pour autant le bonheur, souvent pensé comme finalité de nos désirs et inclinations, est-il affaire de raison ?

L’expression « être affaire de » est vague et imprécise et l’intérêt de cette expression est qu’elle se prête à différentes interprétations. Il y a des nuances ici à considérer. S’agit-il d’un intérêt de la raison pour le bonheur ? La raison s’intéresse-t-elle au bonheur et doit-elle le faire ? Peut-on penser la raison comme contribuant au bonheur parce qu’elle donne le sens de la modération, des limites et de la maîtrise de soi ?

La raison doit-elle s’occuper du bonheur ? Peut-elle même être envisagée comme un moyen voire comme un instrument du bonheur ? Et encore de quelle raison s’agit-il ? De la raison théorique qui pense et organise les connaissances ? De la raison pratique qui guide l’action selon des principes ?

D’une manière générale, le bonheur relève-t-il du domaine de la raison ou du seul registre de la sensibilité et des désirs ? La raison avec ses exigences d’objectivité, de réflexion, de mesure ne détourne-t-elle pas du bonheur ? Y a-t-il une affinité ou une incompatibilité entre la raison et le bonheur ? Est-il juste de penser le bonheur comme relevant du registre de la raison, est-il souhaitable de faire du bonheur une finalité de la raison ? Il s’agira de déterminer si l’on peut penser un bonheur raisonnable.

On pourra montrer d’abord que le bonheur ne saurait être affaire de raison car
- Il relève de la sensibilité et des désirs, exprime la satisfaction de nos inclinations et ne doit rien à notre être raisonnable
- La raison qui exige réflexion avant d’agir, modération, mesure peut être pensée comme une
entrave au bonheur. Si la sagesse suppose la tempérance, le bonheur ne requiert-il pas à l’inverse une vie intense, où les désirs les plus variés et les plus forts trouvent satisfaction ?
- La discipline rationnelle peut constituer une entrave au bonheur ( domestication et répression)
Pourtant, le bonheur n’est-il qu’une finalité de l’être désirant ? Opposer raison et bonheur n’est-ce pas confondre le bonheur et le plaisir ? Le bonheur entendu comme équilibre, paix de l’âme et stabilité ne requiert-il pas nécessairement la raison ?
Le bonheur ne peut sans doute pas exclure la raison
- Le désir sans la raison conduit certes au plaisir mais ne saurait conduire au bonheur qui suppose un état de contentement stable et durable. Chercher le bonheur par la seule voie du désir c’est se condamner, selon la métaphore de Socrate dans Le Gorgias, à toujours remplir un tonneau percé, il ne s’agit pas de contentement mais de chasse infinie.
Le bonheur suppose le sens de la mesure et de la modération. C’est un lieu commun des sagesses antiques : le bonheur suppose la paix de l’âme, l’ataraxie et accompagne l’activité raisonnée ( les stoïciens). Il n’y a pas de bonheur sans vertu 8 Aristote aussi)
- Exclure la raison serait réduire le bonheur à la chance, la fortune et le soumettre aux aléas de
l’existence comme le suggère l’étymologie bon-heur : bonne rencontre. Descartes oppose à cette conception d’un bonheur qui dépend du sort, le vrai contentement de soi, la satisfaction qui vient de la maîtrise de soi-même et de sa volonté qui vient de l’exercice de la raison.

Pour autant si le bonheur n’est pas étranger à la raison, la finalité de la raison n’est pas le bonheur. Ce n’est pas la grande affaire de la raison que de chercher les voies du bonheur.
- Risque d’une raison instrumentale qui ne se penserait que dans l’évaluation du bonheur et des moyens d’y parvenir.
- Kant dans un célèbre passage des Fondements de la métaphysique des moeurs parle de la
misologie, de la haine de la raison, dont finissent par être affectés ceux qui ont cru développer la raison en vue d’atteindre le bonheur et qui sont déçus des efforts entrepris et des sacrifices faits.
Ses finalités sont pour Kant la dignité et la liberté.

Evelyne Oléon
Le 14/06 à 11:58 Analyse

Problématisation des sujets de philosophie

Voici la problématisation du sujet « Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? » par l’enseignante de philosophie Evelyne Oléon.

On présuppose ici l’existence possible d’une volonté de paix : les hommes ne cherchent pas seulement les affrontements mais peuvent vouloir la paix. On s’interroge sur la nature de cette volonté. Que veulent les hommes quand ils veulent la paix ? Et, en particulier, est-ce la volonté de justice qui anime la volonté de paix ? Veut-on toujours la paix pour voir triompher la justice ? Le désir de paix peut-il être animé par d’autres intentions ? Lesquelles ? Ces autres intentions, en opposition avec la justice, sont-elles d’ailleurs nécessairement mauvaises, condamnables ?

Le traitement du sujet suppose que l’on caractérise la volonté de paix et la volonté de justice. Vouloir la paix, c’est d’abord désirer sortir des affrontements et des hostilités. Mais suffit-il de désirer la fin des conflits – non seulement des conflits armés sur le plan politique, mais encore des conflits avec autrui dans les relations interpersonnelles et des conflits avec soi-même qui divisent l’individu – pour vraiment vouloir la paix ? Quant à la volonté de justice, elle habite le sujet moral comme le sujet politique. Elle s’exprime concrètement à travers le refus de l’injustice, le combat contre les intérêts et les privilèges. La volonté de justice peut s’exprimer tour à tour à travers l’exigence de reconnaissance de droits universels, la défense des plus faibles, l’exigence de traitement équitable. Le sujet interroge ici le rapport entre la paix et la justice.

De prime abord, paix et justice semblent deux valeurs inséparables. D’un point de vue religieux, la paix en Dieu est le triomphe de la justice divine. Du point de vue du rationalisme, paix et justice sont des finalités fondamentales de la raison. L’une et l’autre expriment l’exigence d’universalité rationnelle. Travailler à la paix, c’est sortir de la logique des conflits et affrontements particuliers. Pour Kant, la paix perpétuelle – toute guerre rendue impossible – est la finalité de la raison universelle.

Pourtant, ne peut-il pas y avoir d’antagonismes entre paix et justice ? Il arrive que l’on fasse la paix pour d’autres raisons que la justice – la tranquillité, la sécurité, quand on préfère capituler que de continuer à se battre. Vouloir la paix, c’est alors se soumettre, ce n’est pas œuvrer pour la justice. On peut aussi faire la paix, favoriser la paix par pur intérêt ou stratégie. Inversement, vouloir la justice suppose parfois que l’on prenne les armes, que l’on s’engage dans un affrontement : les guerres de libération, les révoltes.

À quelles conditions, alors, la volonté de paix exprime-t-elle vraiment la volonté de justice ? Il ne suffit pas sans doute de désirer la paix, il faut la vouloir, c’est-à-dire travailler à la paix, à une paix qui ne peut s’entendre seulement comme la fin des hostilités ou des conflits et qui n’est véritable que si elle est pensée en rapport avec la justice et la liberté.

Evelyne Oléon
Le 14/06 à 11:42
Bonjour, La réforme du bac général devait laisser place à un temps d'aide à l'orientation comprenant notamment des périodes d'immersion dans les formations qui intéressent les élèves, des visites de salons d'orientation etc. Pourtant, vous avez écrit dans un récent article que les 54 heures consacrées à l'orientation ne figurent pas sur l'emploi du temps des élèves. Est-ce que l'aide à l'orientation est tout de même présente mais de manière moins importante ? Si oui, que font les élèves pendant cet accompagnement ?
Fatou

Bonjour Fatou,

Quand on dit que les heures ne sont pas financées, cela signifie que l’éducation nationale n’a pas donné de budget spécifique pour les cinquante-quatre heures d’orientation, qui sont donc à financer sur les marges horaires des établissements. Chaque année, l’éducation nationale attribue un budget pour les heures de cours obligatoires, et un supplément qui finance les dédoublements, certaines options ou projets… et, donc, l’orientation. Or, cette marge n’est pas la même partout, et les lycées n’ont pas tous les mêmes actions à financer avec : l’orientation peut faire l’objet d’un travail très approfondi de la part du chef d’établissement et des équipes, en organisant par exemple des forums des métiers sur le temps de la pause de midi… tout comme cela peut ne pas être le cas.

Résultat, l’aide à l’orientation est souvent à la charge des professeurs principaux et des professeurs référents (il y a en général un professeur principal pour le tronc commun et un référent sur la spécialité, mais cette organisation est elle-même aléatoire). Beaucoup d’enseignants qui ont la fonction de professeur principal nous ont raconté être livrés à eux-mêmes pour aider les élèves à s’orienter, une mission sur laquelle ils disent s’être autoformés. On voit bien la difficulté que cela pose : cette aide à l’orientation est aléatoire selon les établissements, voire d’une classe à l’autre, en fonction de l’enseignant missionné pour cela et de ses propres disponibilités ! Sur ce sujet, vous pouvez lire notre article ci-dessous.

Lire aussi : Entre Parcoursup et la réforme du lycée, les enseignants dans le maquis de l’orientation : « Professeur principal aujourd’hui, c’est un travail de moine »

Le 14/06 à 11:35 Sur le terrain

Au lycée Voltaire, à Paris, le grand oral en ligne de mire

Les lycéens qui viennent à peine de terminer leur épreuve, tournant pour la plupart définitivement la page de la philosophie, pensent déjà à l’épreuve du grand oral. Avec un coefficient 10, supérieur à celui de la philosophie (8), cette ultime épreuve sera pour les jeunes une occasion de décrocher leur diplôme ou d’obtenir une mention. « Je n’étais pas tellement stressé car avec les coefficients, ce que j’ai perdu aujourd’hui, je pourrai le récupérer lors du grand oral », affirme Antoine, « mitigé » en sortant du lycée Voltaire car il ne « maîtrisait pas trop le sujet » sur le bonheur.

Apolline Convain
Le 14/06 à 11:29 Sur le terrain

« Je trouve ça dommage de faire un bac de philo, parce qu’on vient juste de découvrir la matière...  »

Au lycée Voltaire, à Paris, les élèves commencent à sortir après avoir rendu leur copie d’épreuve de philosophie. Dans toutes les bouches revient le mot « bonheur ». Pas celui d’avoir terminé une épreuve dans laquelle ils ne voyaient que peu d’enjeux, mais celui du sujet de leur épreuve. Brouillons griffonnés à la main, Nawel, 18 ans, est globalement contente : « j’espérais vraiment avoir le bonheur parce qu’on peut dire beaucoup de choses, donc quand j’ai vu le sujet j’étais soulagée ». Elle était « vraiment angoissée pour cette épreuve » car « même avec le simulateur, on n’est jamais sûrs ». À côté d’elle, Maryam est également ravie : « je m’attendais à beaucoup plus difficile, j’avais regardé les sujets tombés en outre-mer, qui étaient plus compliqués ».

Si elle est contente de son épreuve, la lycéenne interroge cependant l’existence même de l’épreuve de philosophie. « Je trouve ça dommage de faire un bac de philo parce qu’on vient juste de découvrir la matière... C’est pas facile. »

Apolline Convain
Le 14/06 à 11:15 Vos questions
Bonjour, le 0 à une épreuve n'est pas/plus éliminatoire ?
Bénédicte

Bonjour Bénédicte,

Eh non ! Les règles qui régissent le baccalauréat français prévoient – et c’était déjà le cas avant la réforme de Jean-Michel Blanquer – la possibilité de noter entre 0 et 20 et la compensation intégrale des notes entre toutes les disciplines évaluées pour l’examen. Aucun seuil éliminatoire n’est fixé. De même, une absence à une épreuve ne disqualifie pas un candidat : elle donne lieu, si le candidat justifie son absence, soit à une nouvelle convocation pour repasser l’épreuve, soit à un zéro.

Le 14/06 à 11:14

C’est la fin de ce tchat avec l’enseignante de philosophie Manola Souvannavong, que nous remercions chaleureusement pour sa participation. Nous vous proposons maintenant un temps d’échange avec le pôle éducation du Monde, sur la réforme du baccalauréat et du lycée. N’hésitez pas à nous poser toutes vos questions !

Le 14/06 à 11:11 Tchat
De nombreux articles de presse font état d'une démotivation des élèves au troisième trimestre et d'un manque de travail de révision avant l'épreuve de philosophie. Sait-on si des consignes seront données aux correcteurs pour être plus indulgents que les années précédentes et retrouver peu ou prou la même moyenne ?
Pierre

La motivation pour s’investir dans une épreuve d’examen a toujours été … l’obtention de l’examen ! Si les candidats savent déjà qu’ils ne jouent plus leur réussite à l’examen, on ne peut pas leur reprocher d’être démotivés. La mission du correcteur, elle, reste inchangée : elle doit valoriser les élèves qui se sont réellement prêtés au jeu.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 11:05 Tchat
TCHAT. Bonjour. Depuis la disparition des filières ES, S et L, il n'existe plus qu'un sujet commun avec un programme qui doit répondre aux compétences de tous. Si les spécialistes art ne consacrent que peu de temps à l'art ou la beauté, les spécialistes en HGGSP survolent la notion de justice et les spécialistes scientifiques ne rentrent pas plus en profondeur dans la méthode scientifique, ne risque-t-on pas de diluer la réflexion philosophique ?
Le chat

Bonjour, la mission du cours de philosophie est de fournir une culture philosophique aux élèves. Cette culture philosophique entre nécessairement en dialogue avec les autres enseignements dispensés et cela est une bonne chose, mais nous précisons bien aux candidats que c’est d’abord la démarche et la culture philosophique qui doivent primer dans leurs copies.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 11:01 Tchat
Comment définir "raison" dans le premier sujet ? Fallait-il dans ce sujet opposer raison et cœur comme le fait Pascal ?
Proust89

Bonjour, le coeur chez Pascal est ce qui nous permet d’accéder au divin, et non pas le coeur des romantiques. Cette distinction concerne plutôt la question de l’accès à la vérité.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 10:54 Tchat
Bonjour ! Peut-on aussi avoir votre avis sur les sujets des filières technologiques, s’il vous plaît ?
AnneB

Bonjour, les sujets sont satisfaisants, à mon avis ils ne mettent pas les candidats en difficulté.  On notera que cette année les sujets de dissertation mêlent 2 notions ( Art / Vérité pour le sujet 1 et Nature/Liberté/ Technique pour le sujet 2), ce qui peut permettre aux candidats de les traiter de la notion avec lequel il est le plus à l’aise. Le texte quant à lui expose une thèse de manière claire et imagée.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 10:49 Tchat
Bonjour, comment peut-on attendre d'élèves de terminale une problématisation du texte de Levi-Strauss ?
sceptique
Il est très dur, non, le texte de Lévi-Strauss ? Pour le comprendre, et pour en tirer des enjeux plus généraux qu'une simple opposition entre le bricoleur et l'ingénieur ?
Parentd'élève

Nous  n’attendons pas du candidat qu’il comprenne intégralement le texte proposé ni qu’il résolve toutes ses difficultés  mais qu’il arrive à les identifier. Cela montre que le candidat a un rapport de réflexion active au texte et qu’il parvient à penser avec le texte.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 10:44 Tchat
Pourquoi déconseiller l’évocation de l’Ukraine dans le contexte de la paix et de la justice ? Les concepts philosophiques doivent-ils être absents à notre réalité. “En août 1936, malgré son pacifisme, Simone Weil décide de prendre part à la guerre d’Espagne, expliquant à Georges Bernanos : « Je n’aime pas la guerre ; mais ce qui m’a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c’est la situation de ceux qui se trouvent à l’arrière et bavardent de ce qu'ils ignorent »” La philo n’est elle pas aussi une réflexion sur la vie ?
Mado

La gravité extrême de la guerre en Ukraine rend l’usage de cet exemple particulièrement difficile pour la plupart des élèves qui choisiront ce sujet. Pour des apprentis philosophes qui n’ont qu’un an de pratique, l’élément historique vis à vis duquel nous avons de la distance est souvent plus facile à manipuler. Cela ne remet pas en question la pertinence de cet exemple mais il s’agit de miser sur la prudence dans le cadre de l’examen.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 10:39 Sur le terrain

« Les lycéens ont fait des calculs grâce aux simulateurs et vont donc faire le strict minimum »

Dans la cour d’honneur, Mathilde Olivry, conseiller principal d’éducation au lycée Voltaire, déplore les stratégies que les bacheliers ont mis en place grâce à la réforme du baccalauréat. « Les lycéens ont fait des calculs grâce aux simulateurs et vont donc faire le strict minimum… Je le regrette quand on sait que les élèves pourraient faire beaucoup mieux ».
Depuis mars, elle remarque une démobilisation des lycéens et de nombreuses absences en cours. Ce qu’elle explique aussi par le nouveau calendrier des épreuves : « le calendrier était difficile à gérer, les épreuves en mars étaient très tôt, donc les élèves doivent tenir dans la durée, ce qui n’est pas facile », déclare-t-elle en haussant les épaules.

Apolline Convain
Le 14/06 à 10:37 Tchat
On lit dans ce chat qu'il est déconseillé de citer l'actualité dans sa copie, mais comment intéresser les élèves à la philo si ce n'est en leur montrant que les dilemmes poussiéreux de la Grèce antique sont toujours ceux d'aujourd'hui et qu'ils occupent nos réflexions, nos décideurs politiques, les futurs citoyens qu'ils seront ? Le sujet sur la paix et la justice est évidemment inspiré par l'actualité, c'est un peu cruel de dire ensuite aux élèves qu'ils n'ont pas le droit d'y toucher.
J'avais eu combien en philo moi déjà ?

Bonjour, ce n’est pas par cruauté que je le délivre ce conseil, mais c’est simplement une incitation à la prudence en ce qui concerne l’examen. L’actualité revient bien évidemment souvent en classe mais nos élèves peuvent parfois l’évoquer avec maladresse dans leurs copies, c’est pourquoi je les encourage à prendre le moins de risque possible et à privilégier les exemples qui ont été l’objet d’un approfondissement en cours d’histoire ou de science, par exemple.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 10:35 Tchat

"Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?" Diviser sa pensée en fonction du sens que l'on donne au mot "paix" (au sens militaire ou social) est-elle la façon la plus pertinente d'aborder ce sujet ?
Olifab

Distinguer les différents sens du mot « paix » est une excellente manière d’aborder le sujet. Attention cependant à ne pas les mettre toutes sur le même plan et à engager la réflexion sur une possible hiérarchie des différentes paix à l’égard de la justice.

Manola Souvannavong
Le 14/06 à 10:32 Sur le terrain

« J’ai défini les mots un par un »

Le sujet sur le bonheur ne semble pas avoir inspiré Ali, 17 ans, qui sort de l’épreuve au lycée Voltaire à Paris. « Au début je n’ai rien écrit, j’avais peur de la question. C’est surtout le terme “affaire” qui m’a déstabilisé. La professeure m’avait dit avant l’épreuve de me concentrer, j’ai défini les mots un par un ». Il applique une méthode révisée quelques jours plus tôt, ce qui le sauve du syndrome de la page blanche. Même si Ali n’a besoin que d’un 5/20 pour décrocher son bac, il espère tout de même avoir réussi l’épreuve pour obtenir une mention. « Je suis content mais sans plus. Le bonheur, c’est ce qui me semblait le plus facile », conclut-il.

Apolline Convain

Le contexte

Live animé par Sylvie Lecherbonnier et Violaine Morin

Image de couverture : Epreuve de philosophie du baccalauréat, à Paris, le 14 juin 2023. BERTRAND GUAY / AFP
  • Plus de 536 000 élèves de terminales générales et technologiques passent l’épreuve de philosophie mercredi 14 juin. Elle est la troisième des quatre « épreuves terminales » prévues dans la nouvelle mouture du baccalauréat, après les épreuves de spécialité passées en mars et avant le grand oral.
  • Cette session 2023 de l’examen national est la première à se dérouler telle que la réforme de l’ancien ministre Jean-Michel Blanquer l’avait prévue.

Au programme de cette matinée :

  • Les sujets seront connus peu après 9 heures et analysés par Manola Souvannavong, professeure de philosophie dans l’académie de Versailles ;
  • De 11 heures à midi : tchat avec les journalistes du service éducation sur la réforme du baccalauréat et ses conséquences ;
  • A partir de midi : Evelyne Oléon, professeure de philosophie au lycée français de Rome, fera des propositions de correction.

Pour appronfondir :

Synthèse. La philosophie, une épreuve sans stress pour beaucoup de lycéens

Analyse. La désorganisation de l’année de terminale, impensé de la réforme du bac

Décryptage. Dans les lycées, la peur du grand vide après les épreuves de spécialité du baccalauréat

Reportage. La grande première des épreuves de spécialité en mars

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