"Dangereux", "ubuesque" : Sultan Al Jaber, PDG d’une compagnie pétrolière, nommé président de la COP28

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"Dangereux", "ubuesque" : Sultan Al Jaber, PDG d’une compagnie pétrolière, nommé président de la COP28

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Sultan Al Jaber, a été nommé président de la 28e Conférence des Parties (COP 28).
Sultan Al Jaber, a été nommé président de la 28e Conférence des Parties (COP 28).
© AFP - *

Le ministre émirati de l'Industrie, chef du géant pétrolier Adnoc (Abu Dhabi National Oil Company) et envoyé spécial pour le changement climatique, Sultan al-Jaber, sera le premier PDG à présider une COP.

L’annonce était attendue, c’est donc officiel. Le PDG de la première compagnie pétrolière des Émirats arabes unis, Sultan al-Jaber, est désigné président de la COP28. La conférence de l’ONU sur le climat sera organisée du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï. En plus de son poste à la tête du géant pétrole Adnoc et de l’entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables Masdar, Sultan al-Jaber est également ministre de l’Industrie et envoyé spécial de son pays pour le changement climatique. Cette COP sera très importante, car elle sera l'occasion du premier bilan mondial et de l’évolution et la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

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Habitué à participer à des COP

En quelques années, Sultan al-Jaber est devenu l’une des figures de la lutte contre le changement climatique aux Émirats arabes unis. Il avait pris les rênes des délégations émiraties lors des précédentes COP. Les Émirats étaient d'ailleurs l’une des plus grosses délégations lors du précédent sommet en Égypte, avec un millier de participants. En novembre 2021, lors de la COP26 en Écosse, il avait rencontré la ministre de l’Environnement du gouvernement Castex, Barbara Pompili, pour évoquer l’organisation de cette COP28.

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"Nous apporterons une approche pragmatique, réaliste et axée sur les solutions", affirme Sultan al-Jaber dans un communiqué. "L'action climatique est une immense opportunité économique d'investissement dans la croissance durable. Le financement est la clé", ajoute le futur président de la COP28. 140 chefs d'État et chefs de gouvernement sont attendus, accompagnés de plus de 80.000 délégués.

"Un conflit d'intérêts scandaleux"

Mais sa double casquette dérange et interpelle les associations environnementales. "La nomination de Sultan al-Jaber à la présidence de la COP28, alors qu'il occupe le poste de PDG de la compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi constitue un conflit d'intérêts scandaleux", a réagi à l’AFP Harjeet Singh, de l'organisation Climate Action Network International. "La menace constante des lobbyistes des combustibles fossiles lors des négociations climatiques de l'ONU a toujours affaibli les résultats de la conférence sur le climat, mais cette situation atteint un autre niveau dangereux et sans précédent", ajoute-t-il.

"C’est complètement ubuesque", déplore Anne Bringault, du Réseau Action Climat, interrogé dans la Terre au carré. "Ça décrédibilise complètement les processus de type COP dont on voit déjà qu’ils sont très très longs par rapport aux enjeux et on ne voit, effectivement, pas comment avec une présidence pareil ces COP peuvent aboutir à des choses concrètes."

L'un des plus gros producteurs de pétrole

La future COP sera organisée chez le septième producteur de pétrole et le sixième émetteur de CO2 ramené à sa population, avec 20,4 tonnes en 2022  selon le Global Carbon Budget. Le petit pays du Golfe tire au moins 30 % de son PIB directement du pétrole et du gaz,  selon le Guardian.

Sultan al-Jaber considère que le monde reste "fortement dépendant du pétrole et du gaz", comme le note cette dépêche de l’AFP. "L’industrie pétrolière et gazière devra investir plus de 600 milliards de dollars […] chaque année jusqu’en 2030, ne serait-ce que pour répondre à la demande prévue." En septembre 2022,  Bloomberg donnait les nouveaux objectifs du groupe Adnoc, avec le pompage de cinq millions de barils par jours d’ici 2025 (contre 3,4 millions en août 2022).

La neutralité carbone en 2050 comme objectif

Les Émirats arabes unis mettent aussi en avant leur investissement dans la lutte contre le changement climatique. Le siège de l’Agence internationale des énergies renouvelables se trouve à Abou Dabi. Le pays ambitionne d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Dans une dépêche écrite le 22 novembre 2022 par l’Emirates News Agency, l'agence de presse officielle, plusieurs investissements sont relayés. "Dr. Al Jaber a déclaré que les EAU ont investi plus de 50 milliards de dollars dans des projets d'énergie propre dans 70 pays, dont 40 nations en développement", peut-on lire.  Un partenariat signé début novembre 2022 entre les États-Unis et EAU promet 100 milliards d’investissement et la production de 100 gigawatts d’énergie verte d’ici 2025. La semaine dernière, le groupe Adnoc  dévoilait dans un communiqué le montant des investissements destinés à des projets de décarbonation : 15 milliards d’euros.

Ses annonces en grande pompe ont aussi pour objectif de faire oublier le médiocre bilan environnemental de la riche nation du Golfe, avant l'organisation de la Cop28. Cet automne,  le Guardian a d'ailleurs enquêté sur les activités de lobbying climatique du petit État pétrolier. Des agences de relations publiques ont été embauchées pour promouvoir l'action du pays dans les énergies vertes.

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